Et une grande blonde m'a dit : "quelqu'un a mangé dans mon bol"
- Are you eating in your plate ? - Hum, no. Oh, my God, it is yours. I'm sorry, I'm so confused.
J'étais en train de terminer ma soupe dans la cuisine d'étage quand une grande blonde est entrée, en deux fois. Tout d'abord, pour prendre deux verres, deux assiettes, et retourner dans sa chambre, située en face de la mienne. Puis, la deuxième fois, pour enquêter sur mon utilisation pirate de sa vaisselle.
- Vous comprenez, chacun doit apporter ses propres affaires, ses assiettes, ses couverts. Seul le micro-onde et l'un des deux réfrigérateurs sont à la communauté. Chaque personne possède son placard, qu'il peut fermer à clé, pour conserver sa nourriture personnelle. - Je suis désolé, je viens d'arriver, et avec toutes ces inscriptions en allemand. Vous en avez besoin tout de suite ? Je vais vous laver cela à l'instant. - J'espère bien. L'autre jour, quelqu'un s'est servi de nos planches à découper, et les a rangées sales.
Elle sort, et j'attaque directement la vaisselle, sans même oser utiliser en plus une cuillère pour mon yaourt nature non sucré. Moi qui avait déjà longuement hésité avant de m'installer dans la cuisine d'étage ce soir, n'ayant pas vraiment le courage de lancer une possible conversation, souhaitant profiter d'un calme solitaire après une journée remplie à l'université. Mais comment éviter cette cuisine communautaire, quand il n'a pas été possible de trouver assiettes et couverts dans les supermarchés les plus proches de ce logement ?
Je frotte au mieux cette vaisselle violée, l'essuie consciencieusement avec les vagues torchons que j'ai déniché ce soir, tenant en fait plutôt de l'essuie-tout pouvant s'utiliser une douzaine de fois. Et aussitôt, je rentre en vitesse dans mon appartement, glisse le yaourt non consommé dans mon réfrigérateur au bloc de glace massif et non dégivré, puis croque une petite pomme assis à mon bureau.
Je ne crois même pas avoir regardé cette grande blonde en face, étant assis à la table et elle debout derrière mon dos, et moi trop gêné pour me tourner totalement. Seules deux images flottent pour tisser son portrait, ses hanches larges mais sportives, à hauteur de mon regard de dîneur assis sur une basse chaise pliante, et sa coiffure courte, explosive et peroxydée. Des mèches éparses et comme punk, association immédiate dans mon esprit avec les jeunes punkettes lesbiennes de la bande dessinée Locas de Jaime Hernandez. Le large poster rock accroché à la porte de sa chambre doit m'influencer, cette chambre partagée avec une autre jeune fille à l'aspect beaucoup plus banal, et ne parlant pas un mot d'anglais, m'avait-elle fait comprendre la semaine passée. Avec la coupe de cette grande, je n'ai que la chevelure d'Hoppey la rebelle, bien loin du duo déjanté de la bande dessinée. Pour en savoir plus, oserai-je leur proposer une bière vendredi soir lors du modeste apéritif avec mes collègues ?
Je termine doucement cette pomme au trognon instable, dont le jus croquant coule en gouttes sur les feuilles de cette vieille édition de Libération. Au moins, les nouvelles ampoules basse énergie d'Aldi éclairent plus que les pauvres filaments de 25W livrés d'origine.
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