2008/04/05

Deichkind à la Kulturfabrik de Krefeld, peu de musique mais tellement d'énergie partagée

- Je pense que c'est le meilleur concert que j'ai entendu de toute ma vie.
Trois bouteilles de Beck sur une table près de l'entrée du djäzz, il est 23h30, et un de mes camarades allemands dort debout. Un vague groupe de rock joue dans cette petite boîte de Duisburg, trio guitare - basse - batterie, et l'ensemble manque d'envergure. Le chant trop fort navigue sur une ligne de basse à une corde et un batteur qui adore frapper ses cymbales sans arrêt. Qui'importe, nous sommes ici pour déguster une dernière bière, un after sans prétention pour laisser sécher un peu plus la sueur qui a inondé le dos de notre T-shirt.

Le chanteur tente une blague sur une ancienne petite amie française, qui fait sourire les six personnes enthousiastes du public, et au travers des couches de cette ambiance clair obscur, j'observe de loin une mignonne adolescente qui se déchaîne, ravie, sur cette musique médiocre et sans vraie énergie.

Moins de deux heures plus tôt, de semblables adolescentes bondissaient euphoriques au milieu du public dans lequel je me noyais avec délice. Un incessant pogo à la violence contenue, tous ces adolescents bondissants sur place et rebondissant les uns sur les autres, sans jamais atteindre un degré d'agressivité déplacé. Tout simplement un énorme chahut partagé jusque dans la collision des corps, l'instabilité des appuis, les glissades et les quelques chutes, toujours entourées avec prudence, afin d'éviter les écrasements. Une folie sans limite apparente et dont le niveau d'engagement est intense et éprouvant, mais qui s'est toujours faire une pause quand une borne ou deux ont été dépassées.

Mais, même si l'agressivité n'atteint pas la violence extrême d'un concert de métal, avec cuir, pique et maquillage gothique, ce concert de Deichkind reste une expérience musicale rare et sportive, bien éloignée des quelques concerts acoustiques que j'ai pu fréquenter l'an passé sur Paris. Voici le hip-hop allemand dans son versant électronique, auquel adhère une vaste foule enthousiaste, et particulièrement jeune. Toute une batterie d'adolescents à casquette et polos à rayures horizontales, d'adolescentes à T-shirt ou débardeur, de jeunes aux bandeaux fluos tricotés au point de croix, et la moyenne d'age ne doit pas beaucoup dépasser les 21 ou 22 ans. Me voici à nouveau parmi les plus agés, et cette fois-ci de loin, sans que j'aperçoive quelques amateurs adultes pour me rassurer, comme au précédent concerts de Justice ou Hot Chip.

Je suis un des doyens, et me voici redécouvrant les joies du pogo et des sauts en tout sens sans regarder la scène, me frottant à des jeunes filles apparemment bien plus à l'aise que moi, bousculé par de grands types baraqués portant des verres de bières consignés. Je me surprends à surnager et apprécier ce défoulement partagé, jusqu'à ce que mon lacet commence à se desserrer doucement, jusqu'à ce qu'un coude percute mes lunettes et les envoie voler à terre, perdues dans l'ombre du dance floor poisseux.

Après cette accès d'émotion, je me réfugie derrière un pilier, sur le côté gauche. Trois adorables allemands m'ont été à retrouver mes lunettes, la branche droite juste légèrement tordues, et encore, mais je ne sens pas d'humeur à plonger à nouveau dans l'embrasement festif du public. Et ainsi, je peux observer un peu plus les quatre MC de Deichkind, cet étonnant groupe difficile à qualifier.

Car aucun DJ ne les accompagne, la musique sort d'on ne sait où, et les quatres rapeurs se démènent armés de micros sans aucun instrument. Du show pur, une sorte de grande soirée disco sur laquelle flotte les paroles hurlées par ces gugus déguisés, essentiellement munis de leur énergie débordante. La première partie avait, d'une certaine manière, parfaitement planté le décor, avec plus de trente minutes de vidéos comiques faites à la main défilant sur écran sans aucun groupe, un enchaînement de striker courant nus sur des terrains de football, de courses de caddies et autres délicatesse saturant le réseau de youtube et dailymotion. Surprenant, mais la suite allait garder la même note, avec l'entrée sur scène des quatres artistes, le corps enveloppé dans des sacs poubelles avec des bandes fluo, le visage caché sous des pyramides triangulaires. Est-ce encore un concert ?

Ils vont parcourir la scène, se pousser les uns les autres, lancer un bateau gonflable dans la foule avant de s'amuser avec un grand château en caoutchouc de gosses, de jouer de la basse en sautant sur un trampoline, d'actionner une corne de brume fixé à une tête de mort vaudou de carnaval. Le fond sonore est un mix efficace de basses et sonorités électronique, sans grande subtilité, mais il remplit parfaitement sa fonction de musique festive capable de déclencher les bondissements et les applaudissements du jeune public.

Le manque de profondeur musical de l'ensemble éclatera d'ailleurs au moment du rappel, atteint après à peine 45 minutes de concert : la musique qui sort des énormes enceintes devient soudain étrangement familière, puisque, coup sur coup, surgissent un morceau de Beni Benassi, puis Rocker d'Alter Ego, diffusés en version originale. Peut-être était-ce déjà le cas d'une partie des titres joués précédemment ?

Et le concert se conclue par un nouveau Yippie Yippie Yeah, joué pour la deuxième fois de la soirée. Une heure de concert environ et un jeu de scène similaire à celui du précédent concert auquel avaient assisté mes camarades, mais aucune déception sur leur visage ruisselant de sueur. Deichkind, on ne va pas tellement les voir pour la finesse ou l'originalité musicale, pour l'intensité euphorique qu'ils déclenche, comme une énorme soirée dans un club dément, concentrée en une soixantaine de minutes.

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