2008/04/29

Douche écossaise et arc-en-ciel dans un parc de Ljubljana

Cette semaine du 21 avril à Ljubljana se sera déroulé en un long va et vient climatique. Les deux premiers jours ont immédiatement donné le la fluctuant, entre soleil magnifique du dimanche et orage permanent le lundi après-midi. Le reste de la semaine n'aura pas dérogé à la règle, noyant généralement la douce chaleur du matin sous les gouttes généreuses de l'après-midi.

Le mercredi 23 avril, la promenade au parc à l'est de la vieille ville a condensé les extrêmes du ciel slovènes, offrant de magnifiques collisions photographiques.

On pénètre par le parc en passant sous l'autoroute, au milieu des graffiti, puis se trouve face à une longue allée rectiligne et en pente. De vastes panneaux présentent d'agréables photos animalières, dans l'esprit des expositions le long du Sénat à Paris, afin d'accompagner le promeneur dans son ascension jusqu'à la maison posée en haut de la colline. Sans hésiter, nous avons suivi le chemin qui nous était clairement indiqué, dégustant les lions et autres chenilles en drapeau brésilien.

Un rapide coup d'oeil derrière notre épaule nous avait montré un ciel menaçant, en dépit du bleu engageant flottant au dessus de la colline. Sans surprise, une forte averse s'est déclenché à mi-pente, faisant apparaître parapluie et capuche par dessus les coiffures et les appareils photos. Mais cette pluie nous a offert une superbe surprise, puisque un généreux arc-en-ciel flottait au-dessus de la ville et des grues, laissant même voir son arc du deuxième ordre.

L'étirement climatique de la ville entre les deux bouts du printemps nous avait donc réservé son plus beau cadeau, même difficile à piéger au moyen d'un petit appareil photo. Nous avons redescendu la pente le coeur souriant, relevant le parapluie au grès des giboulées, tournant le regard vers le ciel de tout côté pour en surprendre les évolutions du bleu à l'ombre.

23.04.2008 - Ljubljana

2008/04/28

Burek, le fast food slovène très salé et rempli de sagesse

A Ljubljana, aucune difficulté pour se nourrir des fast-foods habituels, peuplant le village global : pizza, hamburger, döner, pas d'inquiétude. Mais il est possible de goûter à la spécialité régionale, le burek. Une sorte de long pâté, servi dans un papier plié, et généralement fourré à la viande ou au fromage.

Le résultat ressemble à un long pain salé, particulièrement dans la version au fromage, et il est assez étrange de déguster ce sandwich sans généreuse garniture. Dans l'ivresse d'une soirée entre étudiants, nous avons dîné de bureks à l'issue du match de Ligue des Champions, profitant du seul établissement ouvert après 23h dans le centre de Ljubljana. Notre surprise face à ce long pain salé bourratif a débridé notre imagination, notre sens de la formule, donnant naissance à une abondante série de "burek's facts" remplis de poésie :

"Au Moyen-Age, le château de Ljubljana a été assiégé, et les assaillants ont tenté de gagner la ville par la faim. Les vingt mille habitants du chateau ont survécu plus de 200 ans à l'aide de deux bureks, et il en restait encore la moitié à l'issue du siège".

"Le burek permet de changer le climat : il est tellement salé que, si on le jette en l'air, il absorbe l'humidité, et permet d'arrêter la pluie".

Dans les prochains jours, je ne manquerai pas de vous faire partager quelques morceaux de cette sagesse du burek...

22.04.2008 - Ljubljana

2008/04/18

Et maintenant, pour les couverts également, des touches de couleurs denses pour meubler

BVleu, vert, orange, rose.
Ou, plus précisément,
Bleu turquoise, vert amande, orange clémentine, rose cassis.
Dans des plastiques fins, peu luxueux, comme des résidus de plastiques de Twingo moulés sous forme de bols et de gobelets.
Les quatre couleurs pour chacun des récipients, les bols comme les gobelets.

Hier, j'ai poursuivi mes achats pour installer mon grand logement vide et blanc, et je me suis fixé sur de la vaisselle colorée. Car, si les bols et les gobelets sont fins, peu chers et totalement unis, les deux assiettes m'ont sauté au visage presque à l'entrée du City Palais de Duisburg, depuis la porte tournante.

Larges assiettes très plates en plastique épais, présentant de larges personnages animaliers dessinés dans des couleurs très vives, presque agressives, un joli dessin utilisant toutes les teintes de la nouvelle boîte de feutre du petit dernier.
Sur fond vert profond, une girafe, portant un pull en laine à col roulé.
Sur fond rose sombre et franc, un ours portant sweat-shirt à capuche et écussons de jeune raper naïf, dont un exquis YO YO cousu sur la poitrine, juste au niveau du coeur.
Des assiettes de camping, surtout des assiettes pour enfants, un côté dînette en grandeur nature, avec tout le mauvais goût des papiers peints enfantins, ou de ces pulls dont les personnages tricotés s'étendent sur tout le torse en une présence oppressante pour le regard cherchant l'équilibre et la légèreté.

Mais, en ce moment, la finesse ne m'intéresse pas.

Je cherche à peupler le vaste espace immaculé de mon appartement étudiant, cette longue pièce blanche dont le grisaille irradiant du sol plastique m'a cloué sur place lors de ma première venue. Halte au minimalisme intégral ! J'introduis peu à peu des taches de couleurs très vives et les éparpillent sur les quelques étagères, bougies oranges, bleu sombre et rouges, et maintenant ces assiettes et bols et verres dont la saturation électrique dégage une dense attirance visuelle.

J'assemble une installation décorative temporaire, très bon marché, un mauvais goût instable et mouvant, glissant de jour en jour au gré des déplacements de bougies et d'ustensiles pour les repas, et peut-être atteindrais-je parfois un équilibre agréable.

Je devrais pouvoir bien m'amuser avec mon appareil photo.

Et hurler de rire à chaque repas, aussi, en découvrant une tranche de jambon invisible sur le rose intense d'une assiette au motif de vache.

2008/04/17

Et une grande blonde m'a dit : "quelqu'un a mangé dans mon bol"

- Are you eating in your plate ? - Hum, no. Oh, my God, it is yours. I'm sorry, I'm so confused.

J'étais en train de terminer ma soupe dans la cuisine d'étage quand une grande blonde est entrée, en deux fois. Tout d'abord, pour prendre deux verres, deux assiettes, et retourner dans sa chambre, située en face de la mienne. Puis, la deuxième fois, pour enquêter sur mon utilisation pirate de sa vaisselle.

- Vous comprenez, chacun doit apporter ses propres affaires, ses assiettes, ses couverts. Seul le micro-onde et l'un des deux réfrigérateurs sont à la communauté. Chaque personne possède son placard, qu'il peut fermer à clé, pour conserver sa nourriture personnelle. - Je suis désolé, je viens d'arriver, et avec toutes ces inscriptions en allemand. Vous en avez besoin tout de suite ? Je vais vous laver cela à l'instant. - J'espère bien. L'autre jour, quelqu'un s'est servi de nos planches à découper, et les a rangées sales.

Elle sort, et j'attaque directement la vaisselle, sans même oser utiliser en plus une cuillère pour mon yaourt nature non sucré. Moi qui avait déjà longuement hésité avant de m'installer dans la cuisine d'étage ce soir, n'ayant pas vraiment le courage de lancer une possible conversation, souhaitant profiter d'un calme solitaire après une journée remplie à l'université. Mais comment éviter cette cuisine communautaire, quand il n'a pas été possible de trouver assiettes et couverts dans les supermarchés les plus proches de ce logement ?

Je frotte au mieux cette vaisselle violée, l'essuie consciencieusement avec les vagues torchons que j'ai déniché ce soir, tenant en fait plutôt de l'essuie-tout pouvant s'utiliser une douzaine de fois. Et aussitôt, je rentre en vitesse dans mon appartement, glisse le yaourt non consommé dans mon réfrigérateur au bloc de glace massif et non dégivré, puis croque une petite pomme assis à mon bureau.

Je ne crois même pas avoir regardé cette grande blonde en face, étant assis à la table et elle debout derrière mon dos, et moi trop gêné pour me tourner totalement. Seules deux images flottent pour tisser son portrait, ses hanches larges mais sportives, à hauteur de mon regard de dîneur assis sur une basse chaise pliante, et sa coiffure courte, explosive et peroxydée. Des mèches éparses et comme punk, association immédiate dans mon esprit avec les jeunes punkettes lesbiennes de la bande dessinée Locas de Jaime Hernandez. Le large poster rock accroché à la porte de sa chambre doit m'influencer, cette chambre partagée avec une autre jeune fille à l'aspect beaucoup plus banal, et ne parlant pas un mot d'anglais, m'avait-elle fait comprendre la semaine passée. Avec la coupe de cette grande, je n'ai que la chevelure d'Hoppey la rebelle, bien loin du duo déjanté de la bande dessinée. Pour en savoir plus, oserai-je leur proposer une bière vendredi soir lors du modeste apéritif avec mes collègues ?

Je termine doucement cette pomme au trognon instable, dont le jus croquant coule en gouttes sur les feuilles de cette vieille édition de Libération. Au moins, les nouvelles ampoules basse énergie d'Aldi éclairent plus que les pauvres filaments de 25W livrés d'origine.

2008/04/16

Rappelons-nous des marchés de Noël allemands

Les marchés de Noël, en Allemagne, c'est beaucoup de nourriture, déjà évoquée plus tôt dans ces posts. Saucisses, croquettes de pomme de terre, brochettes de fruits recouvertes de chocolat, escalopes ou poisson frit glissé dans ce petit multi-usage, le brötchen.

Mais les stars des marchés de Noël, ce sont le vin chaud servi dans les petites tasses décorées, et les pains d'épice à message accrochés autour du cou à l'aide d'un ruban. Alors, comme il fait encore bien froid en cette mi-avril peu printanière, rappelons-nous de ces éléments typiques, cadeaux amusants pour les amis français...

21.12.2007 - Duisburg

2008/04/15

De si belles ornières boueuses

Ce vendredi, il y a trois semaines, j'ai découvert ce chantier devant la Gästhaus de Duisburg. Vision surprenante de ces grosses machines blanches ou jaunes, posées dans l'humidité de l'hiver duisburgeois éternellement pluvieux. L'image de ces ornières d'humus tendre attirait sans cesse mon regard sur le chemin jusqu'à la porte, et a continué à baigner mon esprit une fois atteint ma chambre.

Je suis ressorti, appareil photo à la main.

Je me suis approché de plus en plus de ces longues et profondes marques dans l'herbe, comme scintillantes, cherchant un angle pour les capter au mieux, me mettant presque à genoux, sans avoir vraiment élucidé mon attirance. Ce plaisir esthétique de la boue fraîche.

Et hier, j'ai commencé la lecture de Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier. Au chapitre 2, désespéré par la solitude et sa première tentative d'évasion de l'île déserte, Robinson plonge dans une folie animale, se lovant sans fin dans la douceur chaude du marais :

"Il faisait sous lui et manquait rarement de se rouler dans la molle tiédeur de ses propres déjections. Il se déplaçait de moins en moins, et ses brèves évolutions le ramenaient toujours à la souille. Là, il perdait son corps et se délivrait de sa pesanteur dans l'enveloppe humide et chaude de la vase, tandis que les émanations délétères des eaux croupissantes lui obscurcissaient l'esprit".

La fascination d'une molle boue accueillante, grasse et attirante.

Et le lendemain, le soleil se baignait en souriant dans une flaque.

28.03.2008 - Gästhaus - Duisburg

2008/04/13

Nettoyage de printemps et bricolage décoratif dans une chambre d'étudiant

Est-il vraiment surprenant de passer un dimanche après-midi en survêtement ? Entre les cadres souhaitant une détente vestimentaire et les sportifs du week-end, le panel est large, mais en temps normal, je ne correspond à aucune de ces catégories, si ce n'est pour un épisodique jogging le matin.

Mon survêtement du dimanche a été motivé par un nettoyage de printemps imposé, dans ma nouvelle chambre à l'impressionnante poussière. Je n'envisageait pas de m'installer dans un tel espace la semaine prochaine, et tout mon week-end s'est vu orienté par cette occupation de nettoyage, particulièrement agréable quand elle s'ajoute aux travaux de déménagement. Dire que le concierge ne m'avait fourni les clés que mercredi, sous le prétexte de vérification et d'entretien de la chambre...

Bon sang, deux jours n'étaient donc pas suffisants pour déplacer les lits ? L'amoncellement granulé nichant sous les sommiers ne laisse place qu'à ceux hypothèses : soit aucun aspirateur n'a été passé sous ces couches depuis un ou deux ans, soit les précédents locataires étaient adeptes d'un fétichisme érotique tournant autour du bac à sable. Et cette dernière idée n'est peut-être pas la plus fantaisiste ni la moins rassurante, étant données les trois pop-corns collés entre le mur et le cadre du lit de droite, dont deux encore sous forme de graine.

Oui, au risque de me répéter, me revoici dans le monde étudiant, un espace où le logements possèdent des revêtements rayés gris et blancs, offrant un aspect sale même quand ils sont propres, afin de cacher pudiquement les mauvaises habitudes alimentaires de ces post-adoscents. D'après les petites traces oranges trainant sur le sol ou les étagères, on peut supposer que les étudiants allemands font une grande consommation de sauce tomate, dans des plats de pâtes ou sur des pizzas. Je doute que mes prédécesseurs aient été des adeptes des tomates farcies, c'est trop demander à des cuisiniers qui laissent des auréoles de casseroles sales sur les étagères du salon.

Vêtu de mon survêtement vert et informe, j'ai manié balais, lingettes humides, éponge et serpillière avec une euphorie nerveuse, entretenue à l'aide de quelques jurons racistes, histoire de maintenir un influx nerveux élévé. Et de rire de mes propres bêtises, également, par exemple face à ces longs cheveux noirs éparpillés partout, qui ont entraîné force malédictions associées à la calvitie des élèves chinois expatriés : quel éclat de rire quand j'ai réalisé que ce devaient être les poils de mon balai premier prix !

Une fois les gros travaux achevés, je me suis attaqué à l'installation de mes affaires dans mon élan hilare, avec pour objectif de créer un début d'ambiance à peu de frais. J'ai donc distribué mes livres et CD et magasines sur les étagères, disposé mes photos et cartes postales avec une désinvolture soigneusement travaillée, et ajouté mes petites trouvailles du samedi. Quelques bougies chauffe-plat oranges dénichées à Düsseldorf, douces taches colorée dispersées un peu partout, et puis une fleur en peluche chantant Happy Birthday, une de ces magnifiques bricoles qui semblent créées uniquement pour les Foirfouilles et autres magasins "Tout à 1€".

Quelques articles de Libération et publicités des Inrocks me servaient de touche finale.

La semaine prochaine, je vais pouvoir prendre pied dans un espace plus propre, et surtout un peu plus chaleureux, à défaut d'être fourni en rideaux. Et vendredi prochain constituera la prochaine grosse étape, puisque je compte inviter mes collègues et amis pour une soirée de découverte. Elle s'annonce des plus amusantes, ce cadre dénudé s'avérant finalement très malléable.

2008/04/12

Des carottes et des oeufs pour un dernier week-end de cuisine à la Guesthouse

Saumon grillé - carottes & oeuf brouillé
05.04.2008 - International Guesthouse, Duisburg

Oeuf miroir - carottes & tomates
06.04.2008 - International Guesthouse, Duisburg

2008/04/11

Yellow House sans Grizzly Bear en plein centre de Mulheim

C'est une maison jaune posée au centre de Mulheim, couchée le long d'une grande avenue, à la bordure du centre moderne et anonyme, au pied de la colline où se nichent les rues pavées de la vieille ville. Un jaune moutard et de sucre glace, avec une petite tourelle et une étrange passerelle bricolée sur le devant, un paravent de pudeur urbaine.

Surprenante apparition, réminiscences qui surgissent.

Ce classique sans génie de Disney, une petite maison aux yeux grands ouverts qui se trouve encadrée par des gratte-ciel de plus en plus hautains. Et ce salon de thé d'Ottawa, le Tea Party à la couleur toute aussi frappante, même si plus rose, tout aussi enduite de glaçage. Et puis surtout Yellow House, le magnifique album aux choeurs pop du groupe Grizzly Bear, longuement ciselé dans une maison jaune louée sur la côte Est des Etats-Unis.

Je n'ose même pas escalader la passerelle en carton pour regarder de plus près, je ne veux pas épuiser tout ce charme en une seule après-midi. Je tourne un peu, regard revenant sur ces murs, qu'en faire ? Alors, déjà, faute de mieux, quelques photos.

29.03.2008 - Mulheim

2008/04/09

Le dépouillement angoissant d'une chambre d'étudiant après un mauvais 1er avril

- Bon, bien entendu, ce n'est pas le même standing que la Guesthaus. Pas le même service au niveau du ménage, la cuisine, la salle de bain, des parties communes.
- Pour deux mois et demi, ça ne posera pas de problème. Je ne suis pas trop exigeant.

Et, en disant cela, je pensais également : "vous savez, madame, j'ai vécu en résidence étudiante il n'y a pas si longtemps". Mais il faut croire que trois ans suffisent pour changer les perceptions et les habitdes. S'embourgeoiser ? Juste devenir adulte et indépendant ?

En montant les quatre étages, le carrelage de HLM n'avait déjà été très engageant, réminiscences de lointaines banlieues parisiennes et d'arrière-grand-mère logeant dans un immeuble de bas standing. L'absence de numéro sur les portes n'était pas pour me rassurer, et timide, je me retrouve à essayer toutes les serrures avec tout mon mystérieux trousseau de clé surchargé. Ah, tiens, la cuisine d'étage, une grande bouffée d'école d'ingénieur avec ses plaques de cuisson et son réfrigérateur partagé, et surtout, détail plein de chaleur, ses placards à provisions fermés à clés, un par chambre. La confiance règne, attention aux voleurs de café et de biscuits.

Mais j'ouvre enfin la porte et me voici blême. J'ai déjà oublié la voisine d'en face qui ne parle pas anglais et laisse sécher ses fringues dans le couloir pile devant ma porte, et l'espace pâle et grisâtre m'a sauté au visage. Deux plaques de cuisson bancale, un évier sans eau chaude, juste une bonbonne à remplir à la main et à brancher sur le secteur. Une longue pièce où trois chaises broutent la terre battue du plancher, accompagnées de deux bureaux et deux étagères bancales. Une étagère se cache derrière la porte, ayant tellement honte de ces murs sales passés à la chaux. La fenêtre m'aspire de toute sa lumière entrant librement entre les rideaux absents. Dans la chambres, deux grabats aux matelas marrons et résignés sont couchés épaule contre épaule, une micro salle de bain dans un coin. Les ampoules paresseuses peignent l'ambiance de jaunisse aux accents urinaires.

Mais où se trouvent les deux chambres ? Je veux bien avoir été naïf en imaginant trouver un oreiller et une couverture, mais et l'absence de rideau de douche ? De rideaux aux fenêtres ? Aucune lampe de bureau, aucun cintre, et les prises de connexion Internet tellement bien cachées que je ne suis pas arrivé à les trouver ?

Un brutal retour dans la réalité immobilière étudiante. La pâleur maladive ambiante m'oppresse et je bondit dans la rue, tentant d'oublier le bloc de glace gros comme un tonnelet qui dors souriant dans le réfrigérateur.

Je marche à grands pas dans la rue, et cette mauvaise blague du 1er avril commence véritablement à toucher mon moral. Un coup de fil le midi, soudain : "êtes-vous prêt à quitter votre chambre, votre réservation s'arrête fin mars !", et comprendre que mon fax de réservation a été mal lu, qu'il me faudra peut-être sauter de chambre en chambre par tranches de deux semaines jusqu'à fin juin, avec, parfois des trous de trois jours sans logement. C'est bon de rire parfois, et ce type d'anecdote prête souvent à rire, mais rarement avant qu'une dizaine d'années se soit écoulée...

Alors cette chambre double finalement disponible pour trois mois, finalement, ça avait été une bonne nouvelle, et l'attente d'une heure devant le bureau du concierge non anglophone n'aurait dû être qu'une péripétie vite oubliée. Mais ce grand espace bancale, poussiéreux et manquant d'équipement ! Bon sang, vais-je devoir investir dans des rideaux ou me résoudre à être réveillé par le soleil à 5h du matin ?

Je commence à manger une deuxième barre de cette tablette de chocolat. Chocolat noir à 77%, bien corsé pour se saisir brutalement, mais le parfum de fruits rouges annoncé est tellement discret qu'il est inexistant, une nouvelle légère frustration. Mais bon, cela reste toujours un bon chocolat noir.

Je m'approche de l'université, pas tout à fait encore prêt à reprendre le travail après cette étranger interruption en pleine après-midi, cette découverte amère et ces questions, cette absence de rideaux et ces larges murs blancs au fort pouvoir mélancolique. Il faudra vite remplir tout cet espace et sa note soutenue en bourdon, coller au mur des affiches comme il y a quelques années, n'importe quoi, des couvertures de Libération, de Courrier International, des Inrocks, des tracts, et, l'un dans l'autre, ce pourra être amusant. Et puis, oui, faire une fête à mon arrivée, réunir mes collègues avec quelques hautes bouteilles de bière allemande, cela donnera un peu de vie et de souvenirs à ce logement. Pousser jusqu'au bout la logique étudiante, faite de rencontres, d'échanges et de décorations éphémères, de petits bricolages et d'achats plus ou moins prévus, d'écumage des magasins discount et de boutiques à un euro.

La couette achetée hier à 9,90€ devrait d'ailleurs donner des couleurs, ses bleu et rouge francs ne tombent finalement pas si mal. J'irai l'installer ce soir, en emportant quelques affaires. Cela permettra de prendre possession de l'espace et de regarder la laideur avec mon de répulsion initiale.

2008/04/08

Un petit pont sur les pavés, la vieille ville de Mulheim est mignonne

A Mulheim, la vieille ville débute tout au bord de la colline qui surplombe la Rhur. La majeure partie des vieilles maisons se trouvent en haut, sans véritable pente, mais tout au bord, quand on touche aux premières maisons anciennes, on peut découvrir un adorable coin. Au pied d'une église, la rue descend le long d'une rampe surprenant, plantée au milieu de l'esplanade, et qui part se glisser sous un surprenant petit pont. Ce pont relie l'église et la maison ancienne, et sépare les rues d'une vaste place, cadre idéal pour les marchés ou les soirée d'été.

Il me faudra tester la terrasse du café quand la belle saison se sera définitivement installée.

29.03.2008 - Mulheim-am-Rhur

2008/04/06

Ma gigantesque pâtisserie de Düsseldorf : la médiathèque de l'Institut Français

- Oh, oui, vous avez dû trouver porte close samedi dernier. Une semaine de fermeture pour les vacances de Pâques, mais nous avions mis un papier sur la porte, non ? Voilà, je vais vous faire visiter tout de suite, juste le temps traiter les quelques personnes qui attendent. Forcément, avec une semaine de fermeture, cela crée un goulot d'étranglement et c'est un peu le coup de feu, en ce moment. Je vous laisse jeter un oeil par vous-même, et j'arrive.

Je laisse le sympathique barbu à son bureau, à l'entrée de la salle, et m'enfonce vers les rayons de la médiathèque de l'Institut Français, l'oeil brillant de gourmandise. Oh, la pièce n'est pas bien grande, de la taille d'une honnête librairie de quartier, mais cela représente tout un alignement de promesse pour mon séjour allemand. Une généreuse collection de littérature, un très bel échantillon de DVD, et il y a même des CD. Bien entendu, tous les auteurs sont français, mis à part quelques francophones, mais je retrouve ici le plaisir de naviguer dans une médiathèque, ces confiseries pour amateur d'oeuvres et de culture.

- Bon, je vois que vous avez repéré les DVD. Il faut fouiner : comme les prêts ne sont autorisés que pour une durée d'une semaine, le roulement est extrêmement important, et nous ne sommes jamais parvenus à maintenir un classement stable. Mais, en contrepartie, vous avez le plaisir de la découverte et de l'imprévu ! Là, la toute première étagère, ce sont les dictionnaires, qui, bien entendu, ne sont pas en prêt. Ensuite, vous avez l'actualité littéraire, puis les rayons de littérature, classés par ordre alphabétique. Sur le mur du fond, la littérature thématique, classée par sujet, vous pouvez retrouver les cotes dans le lutin posé sur la table du fond. Sur la gauche, les CD, avec quelques compilations, et puis aussi un tout petit peu de musique classique. Derrière, les documentaires, avec encore beaucoup de cassettes vidéos, mais peut-être n'avez-vous pas de lecteur. La littérature sur cassette et CD, pour ceux qui n'ont pas le temps de lire. Sur la droite, vous avez les bandes dessinées adultes, et puis les espaces jeunesses. Il faut parfois penser à piocher dans cet espace jeunesse, par exemple pour les classiques de bande dessinée, Lucky Luke, Tintin, Gaston. Ca fait toujours du bien, un bon Gaston ! Bon, et puis, dans les romans adolescents, il y a aussi de belles choses. Mais je vais vous laisser explorer par vous-même.

Je butine les bandes dessinées, caresse les couvertures de livres aux titres tous en français, puis plonge dans les DVD, dont la variété est impressionnante. On retrouve les grosses machines françaises, de De Funes au Père Noël est une Ordure, en passant par les deux épisodes de la Boum. Mais les films d'auteur sont présents en nombre, doubles DVD de Godard, Truffaut, Belle du Seigneur de Buñel, tous les films de Desplechin ou de Podalydès, des Doillon, des Lucas Belvaux, des Chantal Akerman. Je vais pouvoir faire une jolie cure de cinéma français, picorer ces films dont la tonalité m'intrigue. Même sans connaître tous ces réalisateurs, je sais qu'ils seront bien différents des quelques blockbusters américains que je peux siroter en version originale à Düsseldorf : oui, j'ai pris conscience que ce cinéma un peu exigeant et pas trop prévisible me manque.

Et que dire de l'absence de grande surprise dans mes vies littéraires et musicales ? Certes, depuis mon arrivée à Duisburg, j'ai goûté à d'agréables concerts, j'ai lu de jolies oeuvres. Mais ces dernières années, j'avais pris l'habitude d'une consommation intense de médiathèque : 2 ou 3 CD par semaine dans la médiathèque du Comité d'Entreprise, complétés par 1 ou 2 bande dessinées et des romans variés à la médiathèque municipale. Un roulement très différent de ma stable bibliothèque rueilloise, de ma constante collection de mp3 sur mon ordinateur. Voici revenu l'abondance !

Je sors dans la rue pavée près du marché et quitte l'Institut Français de Düsseldorf avec un sac bien rempli. Le DVD de Raja par Jacques Doillon, un joli duel de comédiens entre un homme à la condition aisée et une jeune marocaine orpheline. Deux classiques en bande dessinée, le troisième tome du Combat Ordinaire de Larcenet et le premier tome du Chat du Rabin de Sfar. Un roman que je voulais lire depuis longtemps, Rhésus d'Héléna Marienské, l'intrusion d'un singe dans une maison de retraite. Et un CD surprenant, le premier album du groupe de rap TTC, exquis assemblage de textes absurdes et de musique instable.

La collecte a été bonne, je reviendrai !

2008/04/05

Deichkind à la Kulturfabrik de Krefeld, peu de musique mais tellement d'énergie partagée

- Je pense que c'est le meilleur concert que j'ai entendu de toute ma vie.
Trois bouteilles de Beck sur une table près de l'entrée du djäzz, il est 23h30, et un de mes camarades allemands dort debout. Un vague groupe de rock joue dans cette petite boîte de Duisburg, trio guitare - basse - batterie, et l'ensemble manque d'envergure. Le chant trop fort navigue sur une ligne de basse à une corde et un batteur qui adore frapper ses cymbales sans arrêt. Qui'importe, nous sommes ici pour déguster une dernière bière, un after sans prétention pour laisser sécher un peu plus la sueur qui a inondé le dos de notre T-shirt.

Le chanteur tente une blague sur une ancienne petite amie française, qui fait sourire les six personnes enthousiastes du public, et au travers des couches de cette ambiance clair obscur, j'observe de loin une mignonne adolescente qui se déchaîne, ravie, sur cette musique médiocre et sans vraie énergie.

Moins de deux heures plus tôt, de semblables adolescentes bondissaient euphoriques au milieu du public dans lequel je me noyais avec délice. Un incessant pogo à la violence contenue, tous ces adolescents bondissants sur place et rebondissant les uns sur les autres, sans jamais atteindre un degré d'agressivité déplacé. Tout simplement un énorme chahut partagé jusque dans la collision des corps, l'instabilité des appuis, les glissades et les quelques chutes, toujours entourées avec prudence, afin d'éviter les écrasements. Une folie sans limite apparente et dont le niveau d'engagement est intense et éprouvant, mais qui s'est toujours faire une pause quand une borne ou deux ont été dépassées.

Mais, même si l'agressivité n'atteint pas la violence extrême d'un concert de métal, avec cuir, pique et maquillage gothique, ce concert de Deichkind reste une expérience musicale rare et sportive, bien éloignée des quelques concerts acoustiques que j'ai pu fréquenter l'an passé sur Paris. Voici le hip-hop allemand dans son versant électronique, auquel adhère une vaste foule enthousiaste, et particulièrement jeune. Toute une batterie d'adolescents à casquette et polos à rayures horizontales, d'adolescentes à T-shirt ou débardeur, de jeunes aux bandeaux fluos tricotés au point de croix, et la moyenne d'age ne doit pas beaucoup dépasser les 21 ou 22 ans. Me voici à nouveau parmi les plus agés, et cette fois-ci de loin, sans que j'aperçoive quelques amateurs adultes pour me rassurer, comme au précédent concerts de Justice ou Hot Chip.

Je suis un des doyens, et me voici redécouvrant les joies du pogo et des sauts en tout sens sans regarder la scène, me frottant à des jeunes filles apparemment bien plus à l'aise que moi, bousculé par de grands types baraqués portant des verres de bières consignés. Je me surprends à surnager et apprécier ce défoulement partagé, jusqu'à ce que mon lacet commence à se desserrer doucement, jusqu'à ce qu'un coude percute mes lunettes et les envoie voler à terre, perdues dans l'ombre du dance floor poisseux.

Après cette accès d'émotion, je me réfugie derrière un pilier, sur le côté gauche. Trois adorables allemands m'ont été à retrouver mes lunettes, la branche droite juste légèrement tordues, et encore, mais je ne sens pas d'humeur à plonger à nouveau dans l'embrasement festif du public. Et ainsi, je peux observer un peu plus les quatre MC de Deichkind, cet étonnant groupe difficile à qualifier.

Car aucun DJ ne les accompagne, la musique sort d'on ne sait où, et les quatres rapeurs se démènent armés de micros sans aucun instrument. Du show pur, une sorte de grande soirée disco sur laquelle flotte les paroles hurlées par ces gugus déguisés, essentiellement munis de leur énergie débordante. La première partie avait, d'une certaine manière, parfaitement planté le décor, avec plus de trente minutes de vidéos comiques faites à la main défilant sur écran sans aucun groupe, un enchaînement de striker courant nus sur des terrains de football, de courses de caddies et autres délicatesse saturant le réseau de youtube et dailymotion. Surprenant, mais la suite allait garder la même note, avec l'entrée sur scène des quatres artistes, le corps enveloppé dans des sacs poubelles avec des bandes fluo, le visage caché sous des pyramides triangulaires. Est-ce encore un concert ?

Ils vont parcourir la scène, se pousser les uns les autres, lancer un bateau gonflable dans la foule avant de s'amuser avec un grand château en caoutchouc de gosses, de jouer de la basse en sautant sur un trampoline, d'actionner une corne de brume fixé à une tête de mort vaudou de carnaval. Le fond sonore est un mix efficace de basses et sonorités électronique, sans grande subtilité, mais il remplit parfaitement sa fonction de musique festive capable de déclencher les bondissements et les applaudissements du jeune public.

Le manque de profondeur musical de l'ensemble éclatera d'ailleurs au moment du rappel, atteint après à peine 45 minutes de concert : la musique qui sort des énormes enceintes devient soudain étrangement familière, puisque, coup sur coup, surgissent un morceau de Beni Benassi, puis Rocker d'Alter Ego, diffusés en version originale. Peut-être était-ce déjà le cas d'une partie des titres joués précédemment ?

Et le concert se conclue par un nouveau Yippie Yippie Yeah, joué pour la deuxième fois de la soirée. Une heure de concert environ et un jeu de scène similaire à celui du précédent concert auquel avaient assisté mes camarades, mais aucune déception sur leur visage ruisselant de sueur. Deichkind, on ne va pas tellement les voir pour la finesse ou l'originalité musicale, pour l'intensité euphorique qu'ils déclenche, comme une énorme soirée dans un club dément, concentrée en une soixantaine de minutes.

2008/04/04

Altstadt im Mulheim-am-Rhur : petites rues pavées et maisons penchées

Le centre-ville de Mulheim, posé tout près de la Rhur. Des parcs rieurs le long de la rivière, une colline verdoyante, et plus loin, sur la rive Est, l'Hauptbahnhof vers laquelle converge les nombreux câbles de tramway, empruntant quelques grandes avenues. Le downtown à l'allemande, l'Innenstadt.

Au nord, des rues piétonnes et grises, banal assemblage de commerces et baraques à glaces ou frites, le centre moderne et impersonnel, noyé sous les travaux et les pelleteuses. Une nouvelle ligne de tramway, semble-t-il.

Et au sud, un petit miracle de vieille ville, adorables enfilades de pavées entre maisons d'un étage à poutres apparentes. Quelques restaurants éparpillés, mais flotte l'agréable impression que ces pâtés de maisons traditionnels restent des lieux de vie, pas des décors touristiques, d'authentiques quartiers où l'on découvre des maisons aux murs extrêmement penchés...

29.03.2008 - Mulheim-am-Rhur