Mein Name ist Sara - Punkt - Und wie heissen Sie - Fragezeichen
Nous notons au rythme de la dictée, pour laquelle nous avons dû tous fermer nos livres, ranger nos cahiers. Auparavant, nous avons copié les mots écrits au tableau, nous avons écouté le CD et son dialogue en allemand, nous avons tous répété les phrases simples sortant des hauts-parleurs. Une belle petite cacophonie appliquée, créant peu à peu un esprit de groupe dans cette nouvelle classe. Et cette dictée surprise va créer un peu plus encore de passé commun, cette camaraderie qui apparaît lors des examens partagés.
Et un frisson parcourt la salle quand, à la troisième ligne, surgit le mot entschuldigung. Mot que tout le monde sait prononcer en posant le pied en Allemagne, mais bon sang, a-t-on souvent besoin d'écrire pour s'excuser dans la rue ?
Exquises retrouvailles de sensations oubliées, l'envie de jeter un oeil sur la feuille du voisin tout en se creusant la tête pour poser les lettres côte à côte. Resouvenir d'autant plus sympathique qu'il s'accompagne d'un sourire ironique, d'une distance réjouie, puisqu'il suffit de lever la tête pour goûter le sel du contexte et de son décalage.
Dans la longue salle de classe, on voit bien une vingtaine d'élèves tirant la langue penchés sur leur feuille, suspendus aux paroles de la professeur qui lit à haute voix, debout, livre à la main. Mais c'est une classe à l'hétérogénéité fantastique, balayant les nationalités et les tranches d'âge sur un spectre rare, même dans les rêves les plus fous d'une école de la République enfin fière de toute sa diversité. Une jeune fille des Philippines planche non loin d'un placide Bosniaque, et les dix-sept rieurs de l'Asie du Sud-Est répondent aux cheveux blancs des Balkans. Juste à côté, enchaînement étudiants, un étudiant français, un colombien étudiant habituellement au Brésil, puis encore une étudiante française, perdue en stage à Duisburg pour suivre son copain. En face d'eux, une mère de famille du Sri Lanka s'est par hasard installée tout près d'un jeune couple indien, sans préméditation géographique, certainement, et à leur gauche, trois autres mères de famille, turques, protègent leur visage d'épaisses lunettes, la tête entourée d'un foulard. Sans oublier leur voisine russe brune à bottines, assise près du bureau et du tableau, on se doit de revenir vers la base de cette grande table en U, où les trois turcs désinvoltes sirotent un jus d'orange à la paille, tandis que, dans le coin, ce chinois hoche la tête, ne comprenant rien, soufflant parfois les phrases à mi-voix, le regard toujours perdu.
Un deuxième cours d'allemand pour élèves débutants, mais élèves adultes, et le vertige surgit souvent devant les consignes du professeur. Avons-nous encore l'âge de fournir un certificat médicale pour justifier une absence, surtout pour un cours dont les frais sont à notre charge ? Bien entendu, en réfléchissant quelques instants, on peut imaginer que certains des présents sont liés à plus d'obligations, peut-être l'obtention d'un permis de travail. Mais, malgré ces réflexions rationnelles, il m'est difficile d'oublier que mes trois dernières années universitaires ont été formées de cours facultatifs. La responsabilité contre le bâton des petites classes, et cette habitude n'est qu'une marque supplémentaire de l'hétérogénéité présente.
Et donc, par delà les sourires et le décalage, voici donc un contexte très appétissant en matière d'échanges ! A quelques uns, nous avons déjà évoqué l'idée d'organiser un dîner commun, hors du contexte formellement scolaire. Perspective sympathique, et la présentation de ce projet en classe ne sera pas la partie la moins amusante de l'affaire : joli défi que celui de faire passer le message avec six heures d'allemand derrière soi, quand tous ne parlent pas anglais, et surtout pas la professeur elle-même !
Quelques anecdotes devraient donc surgir peu à peu, comme de savoir quelle aura été ma note à cette idée, pour avoir oublié un t à entschuldigung.