Et ils parlèrent de relativité restreintes autour d'une Bitburger
- Imagine un ballon. Tu traces une ligne au marqueur dessus, puis tu le gonfles. La ligne va s'agrandir quand la surface s'étire. Et pourtant, localement, au niveau de la matière, rien n'a changé, les grains de graphite restent liés au même point de la surface du ballon.
- C'est une question de mesure.
- Plus que de mesure. C'est lié au référentiel.
La serveuse apporte deux pizzas, qu'elle pose devant deux des verres de bière. Le dernier verre de Bit n'a droit qu'à la salière et à un pot de moutarde.
- Vous croyez qu'elle a oublié mon assiette de frite. Des frites, ça se cuit plus vite que des pizzas, non ? Elle doit m'en vouloir pour mon "Bitte ein Bit" du début. Mais revenons-en au référentiel. C'est simplement que localement, ce n'est plus le même temps, ce ne sont plus les mêmes longueurs. Ce n'est pas juste une question de mesure. Prenons deux règles étalons, de un mètre, en fait on s'en fiche, que ce soit un mètre. Elles font la même longueur, parfaitement identiques. Un type en prend une dans un train qui va très vite, à une vitesse proche de la vitesse de la lumière, et l'autre reste sur le quai. Juste au moment où le train passe, il tend la règle, et l'autre la brandit par la fenêtre du train. Celui qui est dehors verra celle du train plus grande. Et celui qui est dedans...
- C'est la matière qui a changé. Mais je ne comprends toujours pas quand tu utilises deux horloges dans un avion.
- Et celui qui est dedans voit la règle du dehors...
- Pour des horloges, ce n'est pas possible. Elles sont fabriquées de telle manière qu'elles mesurent toujours le même intervalle. Ça ne pas changer quand tu la mets dans l'avion.
- Il voit la règle plus...
- La mesure par l'horloge, c'est imposé à la fabrication de l'horloge. Ça dépend des réglages qui sont utilisés. Si tu prends une clepsydre. Non, pas une clepsydre, y'a des histoires de gravité, d'écoulement, ça ne va pas. Mais une montre mécanique. Elle mesurera toujours le même intervalle, je ne vois pas comment ça peut changer.
- Mais ça ne change pas. Elle mesure toujours le même temps. Localement. C'est juste le temps qui n'est plus le même.
- Je ne comprends pas, non, décidément. Ce n'est pas clair.
- C'est bête que je n'explique pas très bien, c'est vraiment limpide quand on pose les équations. C'est lié à l'espace. Comme on définit un espace, déjà ? Mais si on suit la démarche historique, c'est très clair. Je ne vais pas refaire tout l'historique, même si c'est tentant. Au point où on en est. Tout est venu de l'expérience de Michelson, de l'interféromètre. Un système pour mesurer la vitesse de la lumière, avec deux trajets, le faisceau initial séparé en deux, et qui reviennent ensuite, pour faire, normalement, des figures d'interférence. Parce que la lumière est une onde, ça fait comme ça.
Il fait des vaguelettes avec ses bras, mets les ondes de chaque bras en opposition de phase, c'est très sensuel, presque de la techtonik.
- Mais je ne vois pas pourquoi la lumière reviendrait en sens inverse.
- Heu, si, il y a des miroirs. Hé bien, ils ont mesuré dans toutes les directions, et ça ne changeait rien, il n'y avait pas de compostions des vitesses avec la vitesse de lumière. Tu connais la composition des vitesses ? Prenons un déplacement d'un point A à un point B. Hop. Par exemple de ce verre à celui-là. Et si on fait une étape intermédiaire avec ce troisième verre. C'est le même déplacement.
- Non, le trajet parcouru est plus long.
- Mais vectoriellement. En terme de départ et d'arrivée.
- Vous êtes toujours comme ça, les scientifiques, on ne sait pas de quoi vous parlez. Forcément, les gens sont perdus.
- Bref. Il n'y a pas de composition de la vitesse avec la vitesse de la lumière. C'est un maximum. Ça se voit très bien à partir des équations. La théorie des groupes...
- Ça non plus, je ne vois pas pourquoi la vitesse de la lumière, c'est un maximum. C'est juste dans notre univers, parce qu'on n'a rien observé de plus rapide. Mais rien ne dit que ce ne peut pas être différent ailleurs.
- Si, c'est purement mathématique. Ça se voit dans les équations. C'est dommage que j'ai perdu la brochure d'Irondale, je ne sais plus où je l'ai mise. La vitesse de la lumière ne change pas. Enfin elle ne change pas dans le vide, dans un milieu, ça peut être différent.
- Voilà, tout dépend encore de ce que tu appelles la vitesse de la lumière. Vous la définissez ainsi, et après vous dites, c'est maximum. Forcément, on ne suit plus, on ne sait pas de quoi vous parlez. Pas étonnant que les gens ne comprennent pas. C'est comme une conférence que j'avais vu à l'École Normale Supérieur, par un professeur de biologie, un ancien polytechnicien. Une conférence sur la mortalité. Je croyais que ce serait historique, et au début ça l'était, il examinait toutes la causes de mortalité à travers les siècles. Pas inintéressant, mais les autres chercheurs semblaient perplexes. Où se trouvait la recherche pour eux, et quand on lui a posé la question, sa réponse n'a convaincu personne. Parce que ça lui semblait évident, et il a dû réfléchir au point de vue du public, pour, finalement, expliquer qu'il cherchait à modéliser la mortalité. Avec 100 ou 150 paramètres.
- Un modèle comportemental plus que statistique ?
- C'est ça. Mais sa démarche lui semblait évidente, et il n'avait pas expliqué au début. Qu'il cherchait à prédire la mortalité en fonction des conditions de vie, du climat, du nombre d'heures de sommeil, du régime alimentaire, et tout.
- Enfin, avec autant de paramètre, on peut ajuster une simulation comme on veut. On ne comprend pas vraiment ce qui se passe. Comme avec le contrôle du coeur par pacemaker dont je parlais toute à l'heure.
- Et voilà, encore un point qui peut prêter à confusion. "On ne comprend pas". Les scientifiques disent tous ça, mais nous, on ne voit pas ce qu'ils veulent comprendre de plus. On connaît les paramètres du phénomènes, bah, on le comprend, non ?
- Pas vraiment. Pour le coeur, on sait par exemple que le rythme s'accélère quand il y a un effort. Il y a un stimulus électrique qui arrive, qui conduit à l'accélération. Mais on ne comprend pas le mécanisme qui entraîne le déclenchement de ce stimulus électrique. Enfin, si, plus ou moins, ce doit être hormonal. Mais on ne comprend pas comment toute cette chaîne se met en marche. Donc, l'un dans l'autre, on ne comprend pas.
- Voilà, je l'attendais, on ne comprend pas. Les gens comme moi ne comprennent pas ce qu'il y a à comprendre.
Je pense que le pauvre père peut faire une croix sur le dîner avec son fils : même avec une assiette de frites déjà terminée, il n'est pas près de rentrer chez lui.
01/11/2007 22h - Le Falstaff, place de la Bastille
3 commentaires:
"C'est vraiment limpide quand on pose les équations" ! lol... c'est pas comme ça qu'il faut parler à une littéraire allons ;-)
Je vais te parler de ce qui débloque de temps en temps dans mon coeur : Le nœud sinusal ou nœud sino-auriculaire de Keith et Flack (du nom des deux chercheurs britanniques : Arthur Keith et Martin Flack qui l'ont découvert). Son rôle est d'assurer la commande du rythme cardiaque. Il s'agit d'un ensemble de petites cellules musculaires hautement spécialisées et situées dans la paroi de l'oreillette droite. De cet endroit démarre l'impulsion électrique qui va faire battre le cœur, autrement dit l'impulsion délivrée par le nœud sino-auriculaire entraîne les contractions des cavités cardiaques et l'expulsion du sang du cœur vers les organes.
Tu as compris ? !!!
Je pensais que tu aurais parlé du système parasympathique, quand même !
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