2007/11/18

Samedi de grève à La Défense

Samedi 17/11/2007, 15h20, gare RATP de La Défense et ligne 1 du métro

Une jeune fille noire, dix-huit ans, interroge quatre hommes vêtus de combinaisons bleu marine, cheveux courts, tête nu. En grandes lettres blanches, dans leur dos, "RATP SURETE", et le groupe parle devant les portillons d'entrée, en dessous d'un panneau suspendu au plafond, "Métro 1, Château de Vincennes". Les quatre passages sont libres, les doubles portes mécaniques aux bords caoutchoutés toutes ouvertes, malgré le signal sens interdit qui brille en rouge et blanc.

- Est-ce qu'on est obligé de prendre un autre ticket ?
- Non, mademoiselle, vous voyez, tout est ouvert avec la grève. Vous pouvez passer sans problème. Rassurez-vous, on ne vous dira rien.

Les quatre hommes en bleus et la jeune fille franchissent les portillons généreux, et dès le pied posé de l'autre côté, un des hommes en bleus s'écrit.

- Bon, mademoiselle, contrôle des titres de transport. Vous vous trouvez dans l'enceinte du métro, vous devez être en possession d'un titre de transport valide, mademoiselle. Hé oui, on est comme ça nous.

La jeune fille les regarde un seconde, interdite, fronce les sourcils, et les quatre hommes éclatent de rire, poursuivant leur chemin, détendus, descendant les deux bordées de marches vers le quai et la tête du train.

- Bah, faut bien s'amuser un peu, hein.

Le quai accueille une large foule, personnes assises sur les sièges au pied du mur, hommes et femmes debout sur deux rangs, trois rangées plus loin. Deux chiffres lumineux brillent en bleu sur le panneau suspendu au-dessus du quai, perpendiculaire à la voie. Prochain train : 3. Train suivant : 6.

Les chiffres diminuent, égrainés un à un jusqu'à ce que le "prochain train" se trouve à 0, sans qu'aucun changement ne se produise sur le quai. Seul l'homme en bleu le plus bavard, marchant toujours en tête, hausse le ton, et s'approche du bord du quai, agitant ses deux bras écartés

- Messieurs, dames, écartez-vous du quai, s'il vous plaît, le train va entrer en gare. Ecartez-vous s'il vous plaît.

Les rangs reculent, libérant un espace d'un mètre environ jusqu'au bord, espace vide même un bon pas derrière la ligne jaune tracé non loin du bord. Un homme tient un VTT noire sous le panneau "Train suivant", et l'homme en uniforme bleu marine s'approche de lui.

- Monsieur, vous ne pouvez pas monter avec ce vélo dans le train, c'est interdit. Surtout avec l'affluence. Vous n'êtes autorisé que dans les RER, dans certains wagons. Bon, sur quelques stations, ça ne gênera pas trop, surtout en partant du terminus. Calez vous bien sur le bord. Mais dès qu'il y a du monde, dans une ou deux stations, vous descendez. Compris ?

La rame longe lentement le quai, et les portes s'ouvrent, les gens s'engouffrent. Il reste un peu d'espace dans les parties près des portes où les personnes restent debout, sans être entassées. Le train démarre après une ou deux minutes, sort rapidement à ciel ouvert, emprunte le pont pour traverser la Seine. Station, ouverture des portes, le wagon se remplit, debout et entassés. Le vélo est placé tout contre la banquette, le pédalier frottant sur le strapontin replié, la poignée droite tapant parfois sur le flanc du dossier, et la roue avant réduit fortement le passage entre les deux sièges pour rejoindre la sortie.

Station suivante. Une femme assise juste devant le vélo, l'homme au sac à dos lui parle doucement.

- S'il vous plaît, pouvez sortir de l'autre côté, madame ? Merci beaucoup.

La dame sort de l'autre côté, et un dame au cheveu gris prend la suite sur la place assise. Elle se tourne vers l'homme au sac à dos.

- Hé bien, comment avez-vous réussi à rentrer ? On ne voit pas souvent de vélo, dans le métro.
- Je suis monté en début de ligne, madame. Je n'ai pas le choix. Je travaille à La Défense, et j'habite en banlieue Est. Je parcours toute la ligne 1, de toute façon il n'y a pas de RER A, toute la ligne 1 jusqu'au terminus. Puis j'ai une vingtaine de minutes de vélo. Pas le choix, il n'y a pas de bus.
- Vous avez bien du courage.
- Pas le choix, mais, bon, c'est la galère.

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