2008/06/18

Ah, quel plaisir de visiter un tunnel dans le cadre d'une conférence !

Voici déjà le chemin du retour, et qu'avons-nous vu ? Nous avons marché dans cinq cents mètres de tunnel dont la construction est bouclée, murs lisses et bétonnés, revêtement routier en béton lui aussi, et quel commentaire pouvait-on faire là-dessus ? Puis nous avons eu droit à une obscure présentation PowerPoint de vingt bonnes minutes, suivie par un passage rapide auprès d'une poignée d'ouvriers aux gilets fluorescents, mais rien d'autre.

Quelle magnifique idée que de s'être inscrit au dernier moment à cette visite du tunnel de Ljubljana, organisée par la conférence TRA 2008.

Initialement, je m'étais inscrit à deux activités. Le lundi, deux heures de visites de la vieille ville de Ljubljana, avec récits de légendes médiévales. Et le vendredi, journée complète d'excursion dans des hauts lieux slovènes. Mais ces deux projets étaient rapidement tombés à l'eau : dès notre arrivée, nous avons appris l'annulation de l'excursion du vendredi, certainement faute de participants, et j'ai passé mon tour pour la promenade du lundi, refroidi par les trombes d'eau. "Mais nous allons prêter des parapluies, ne vous inquiétez pas".

Ainsi, quand une collègue française m'a proposé de l'accompagner pour la visite du tunnel, le mardi, je n'ai pas trop hésité. Pourquoi pas, finalement ? Il aurait été dommage de profiter d'aucune des activités proposées.

Particulièrement dommage, en effet, étant donné le désastre qu'a constitué cette visite, mine d'anecdotes pour blogger sans inspiration.

Cette collègue m'avait demandé de l'accompagner, car elle avait peur de s'ennuyer, ne connaissant personne. Las, par un tour de passe-passe amusant du destin, je me suis moi-même retrouvé tout seul pour cette visite. Cette collègue, particulièrement sérieuse, n'a pas voulu raté une miette des conférences de l'après-midi, étalage pourtant très synthétique et assez soporifique de projets européens, et a raté le point de rendez-vous de la visite. J'ai bien tenté de prévenir le guide slovène, mais c'est avec horreur que j'ai vu les portes du bus se refermer avant l'arrivée de ma camarade.

Mais parfois, il vaut mieux être seul que mal accompagné, et j'ai la grande joie de faire la connaissance d'un jeune français particulièrement désagréable. Je l'avoue, peut-être n'étais-je pas d'humeur assez ouverte à cette occasion, mais sa discussion m'a particulièrement horripilée, jusque que dans sa manière de parler à la fois traînante et sûre d'elle-même.

J'ai donc fait tout mon possible pour m'éloigner de cet olibrius, dont le seul point commun avec moi était la langue française. Ainsi, mon casque de chantier bleu sur la tête, j'ai toujours gardé un oeil sur lui, afin de ne rester en retrait et de ne pas donner l'impression de chercher la conversation. La misanthropie n'est certainement pas une attitude des plus recommandables, mais parfois, il ne faut pas avoir honte de l'assumer temporairement.

D'autant que la visite elle-même ne donnait pas envie de saisir son prochain en une longue accolade pour célébrer la nature humaine. Bien entendu, l'entrée du chantier était un peu spectaculaire, de même que la distribution des casques aux conférenciers cravatés. Mais l'interminable présentation PowerPoint a rapidement mis les points sur i : cette visite serait bien un grand moment de n'importe quoi ennuyeux et peu agréable.

Un écran déroulé au milieu du tunnel, on ne sait trop pourquoi à cet endroit, loin de l'entrée, et éloigné du chantier actif. Deux grosses enceintes permettent à l'ingénieur de se faire entendre de tous, mais hélas, il n'en va pas de même de son anglais, aux accents et tournures profondément obscures. Parfaitement au diapason des diagrammes illisibles de la présentation, tracés comme à main levée parfois, et en tout cas, sans aucune légende. J'aurais bien voulu vous parler de l'originalité de ce tunnel de Ljubljana, mais j'en suis bien incapable, à cause l'absence totale de pédagogie de cette présentation.

Et la visite technique ne m'a pas appris grand chose non plus. Nous avons marché une centaine de mètres supplémentaires, pour atteindre la dernière zone en activité. Installation de panneaux de béton sur les murs, il me semble, mais je n'en suis pas certain, de grands échafaudages métalliques au milieu desquels naviguaient quelques ouvriers, éclairés par de puissantes lampes éblouissantes.

Nous sommes arrivés et les ingénieurs présents ont aussitôt empoigné leurs appareils photos, mitraillant les poutres, les assemblages, sans tenir compte des ouvriers en plein travail. Des ouvriers faisant partie du décor, qu'ils travaillent ou fument une cigarette pour leur pause, une opposition fascinante et malsaine : les conférenciers en cravates et costumes, déguisés sous leur casque de chantier, et les ouvriers, ces prolétaires étrangers, juste posés là. Pas moyen de leur parler en anglais, j'imagine, mais aucune tentative de communication n'a semblé traverser l'esprit de nos industriels et techniciens de haut niveau, raffolant de photos et de petits détails techniques obtenus auprès du guide.

Confrontation brutale de deux mondes pour générer une ambiance qui m'a paru assez malsaine. Je me suis risqué à quelques photos, sans trop cadrer ses ouvrier que quelques cadres occidentaux venaient perturbés durant leur longue journée.

Mais cette visite n'a pas perturbé grand monde très longtemps, puisque nous avions déjà fait le tour des activités proposés !

Le guide de l'Office du Tourisme de Ljubljana a pris conscience de la supercherie d'une telle visite bricolée, et plein de bonne volonté, il a poussé le conducteur du car à emprunter sur le chemin du retour tous les tunnels autoroutiers entourant Ljubljana. N'étions-nous pas des amateurs de tunnels ?

En marchant dans les rues piétonnes de Ljubljana, je ne savais pas trop quoi penser cette visite étonnamment ratée, proche d'une parodie d'activité de groupe proposée dans le monde de l'entreprise. Et donc assez éloignée de l'ambiance bonne enfant qui entourait le groupe de thésards rassemblés par le concours YEAR, toujours prêts à descendre quelques flutes de mousseux sur un stand allemand, ou boire des bières devant un match de Ligue des Champions.

Mais en arrivant sur la place de la vieille ville, je suis tombée sur ma collègue française, et son apparition a fini de me convaincre : ces quelques heures constituaient indéniablement une anecdote de prix durant mon séjour de Ljubljana.

Durant la visite, le guide de l'Office du Tourisme nous avait remis des bouteilles souvenirs, mignons flacons souvenirs d'une étrange liqueur très sucrée. Toujours serviable, j'en avais demandé un exemplaire supplémentaire pour cette collègue, retenue par son professionnalisme. Il fallait bien récompenser son abnégation, et la consoler d'avoir raté cette magnifique. Mais comment avais-je pu penser un instant que ce raté allait l'embêter ? Avec l'aide d'un autre retardataire, elle était parvenue à se faire rembourser la visite, et s'était faite inviter à boire une bière. L'argent du beurre sans l'interminable visite de la crémerie, avec en prime un peu de drague sur une terrasse ensoleillée de Ljubljana.

Mais comment lui en vouloir, puisque sa chance magnifique offre un contre-point parfait à ma visite désastreuse ?

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