2008/08/17

Des films catastrophiques en avion

Une jeune beauté s'éloigne du yacht en canot à moteur, pour une sortie loin de son riche père au cheveux blancs. Elle s'ennuie un peu sur ce riche yacht, ancré sur une mer du sud aux lumières bleues irréelles, et un petit tour à terre lui fera du bien. Elle pianote un SMS pendant que le pilote tient fermement la barre, quand soudain son bob aux teint hawaïens est emporté par le vent. Cris. Panique.

Heureusement, notre jeune héros n'est pas loin, canotant sur son modeste Zodiac de chasseur de trésor, et il prend en chasse le couvre-chef. Ses longs cheveux blonds filent dans le vent, les magnifiques abdominaux de son torse bronzé tendus dans l'effort, le regard tourné vers le chapeau volant quatre mètres au dessus de l'eau. Mâchoires serrées. Comment faire, il vole si haut ? Qu'à cela ne tienne, il profite d'une vague, fait décoller l'embarcation sur ce tremplin aquatique, et saisit d'un bon le bob. Tous les spectateurs alentour applaudissent.

C'est ainsi que notre jeune héros désargenté parvient à se faire accepter par l'équipage du riche yacht. Il pourra ainsi bénéficier du financement nécessaire pour poursuivre ses recherches archéologiques sous-marines, accompagnées par son ancienne petite amie. Car, surprise, cette dernière se trouve aussi sur le bateau, sous la couverture d'un emploi de serveuse...

Voici le genre de films qu'un voyage transatlantique en avion vous permet de découvrir. Je dis bien film, et non téléfilm, ce film est sorti sur grand écran. Il s'appelle Fool's Gold, il sorti en février 2008, et a connu un certain succès : n°1 au box office pour ses premières semaines, il a rapporté 70 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, et 40 millions dans le reste du monde. Il s'est également classé dans le top 20 des locations DVD pendant 8 semaines, et pourtant, je n'avais aucune envie d'aller voir ce produit cinématographique basique. Trop basique, trop cliché, et le visionage dans l'avion durant mon voyage vers le Canada est venu confirmé ces a priori.

Mais, l'un dans l'autre, les mauvais films d'avions donnent une occasion au cinéphile d'examiner ces séries B à grand budget. Et permettent de prendre conscience de l'écart entre un bon et un mauvais, de retrouver toutes les voies qui conduisent au ratage certain. De tels assemblages instables peuvent en devenir fascinant par leur maladresse assumée, et j'adore ensuite raconter les scènes les plus invraisemblables. C'est certainement l'un de mes plaisirs cinéphiles les plus profonds, le récit pittoresque et profondément subjectif.

Mais comment rester de marbre face au dénouement abracadabrantesque du thriller Vantage Point ? 40 millions de dollar de budget et 160 millions de dollars de recettes mondiales, et pourtant j'ai souvent cru assister à une parodie de scénario imbriquée, une avalanche de fausses bonnes idées et de raccourcis d'écriture, avec un climax particulièrement joussif.

Dans cette dernière scène du film, les terroristes sont en fuite dans une ambulance, transportant le président des Etats-Unis salement blessé. Ils ont profité du discours donné à Salamanque par le président, une réunion mondiale avec quelques pays arabes : ils ont assassiné le président devant les caméra mondiale, ou plutôt sa doublure publique, puis ont déclenché deux bombes dans la foule. Ils ont récupéré le vrai président à son hôtel, et tentent d'échapper au dernier garde du corps américain.

Ce dernier est un dur, il y a quelques mois, il a fait obstacle de son corps lors d'une fusillade pour sauver le président, et il ne va pas lâcher ainsi l'ambulance terroriste qui zigzague dans le trafique. Face à une telle détermination, l'Opel Astra qu'il a réquisitionnée est d'ailleurs devenue indestructible, puisque qu'elle déjà survécu à une demi douzaine d'accident, deux têtes à queue et une roue presque arrachée par un plot sur le trottoir. Mais notre agent ne lâchera pas ainsi, et la voiture file toujours égale, sans pouvoir vraiment rattraper son ennemi.

Or, la route elle-même ne fait pas de cadeau aux terroristes : qui traverse à ce moment la route ? La petite Anna, 8 ans, qui a perdu sa maman lors de l'explosion de la Plaza Major, et la cherche, déboussolée, au milieu des voies rapides de la ville. Elle est profondément terrorisée, et voici qu'une ambulance folle fonce droit sur elle, ce qui achève de la glacer d'effroi.

Horreur ! Verra-t-on un accident infantile, comble de l'atrocité après une bombe terroriste ayant achevé plusieurs centaines de personnes ?

Heureusement, les scénaristes nous épargnent une telle monstruosité, grâce à deux solutions pour le prix d'une. Tout d'abord, Forest Whitaker paisible touriste américain armé d'un caméscope, reconnaît Anna. Sur la Plaza Major, elle lui avait accidentellement planté la glace dans les fesses, et ils avaient discuté quelques instants. Forest met de nouveau en branle son quintal bien sonné, parfaitement échauffé par des longues poursuites dans la ville avec les bandits, et le voici bondissant sur l'autoroute pour sauver la fillette. Un héros débonnaire mais diablement efficace.

Quoique son intervention semble après coup superflue, dans la mesure où l'accident n'aurait peut-être pas eu lieu. Voyant une fillette au milieu de la route, le chauffeur terroriste de l'ambulance a en effet été pris de panique. On peut exterminer des civils à la bombe pour faire diversion, mais faucher une fillette, c'est trop, cela briserait la crédibilité de leur mouvement revendicatif, et le voici braquant tel un dément à pleine vitesse. L'ambulance se couche et percute le pilier d'un pont, tuant le conducteur au volant, mais épargnant le président des Etats-Unis, pourtant bien peu attaché à l'arrière du véhicule.

Vive la liberté, et vive le cinéma.

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