Images composées et silences remplis au cinéma
Un aquarium.
Sur une toile cirée, bassin soulevé que maintenant on enlève.
Pas vers l'arrière.
Une table, lit à droite, lit à gauche avec valise ouverte.
Tout le temps de regarder, de laisser venir les détails. Regard ici et là, découvrir tout en suivant la scène, écoute et observation en parallèle.
J'entre à mon rythme dans 4 mois 3 semaines 2 jours.
Suis la blonde, jean et pull, marchant dans les couloirs, ouvre les portes, parle à l'une à l'autre et encore, tout sans coupure, des instants posés côte à côte et roulant selon un ruban pour revenir,
entrer
la brune s'épile maintenant tendue
et l'autre
dos à la porte
change de pull
pour un vert.
L'écran garde intact l'écoulement,
comme une Rolls Royce roulant dans Londres décapotée aux mains d'un photographe libre, dans une autre salle de cinéma samedi dernier.
Ils laissent respirer les pas des personnages sur le film
tout en construisant,
discret,
ou en mouvements brillants,
des tableaux, des cadres pour les scènes,
souvent beaux,
souvent déplaçant les équilibres et les perspectives, la netteté et la profondeur.
Coupez les bords de l'image et l'imagination quitte l'observation convenue de celui qui parle, qui bouge, associez flou du fond et netteté d'un visage et le monde s'étale différent, et noyez le tout dans une lueur grise générale.
Un univers.
Une voiture où cette blonde attend fenêtre ouverte, et loin, au fond, brouillés, le docteur parle à sa mère agée, on les devine formes vagues mais les entend clairement.
Samedi aussi, le grain, l'objectif, la technique optique présentée au spectateur,
le photographe et son appareil et son labo de développement et
une forme blanche entre les rondes perles d'argent agrandies d'une photo révélant un cadavre.
Agrandir et pousser l'oeil ailleurs pour regarder autrement.
Une énorme valise marron fouillée par un personnage sans tête, qui sort gases, flacons et sonde, étalés au premier plan.
Une fille allongée dans la chambre d'hôtel, genoux pliés et haut de tête visibles, mais c'est une nature morte sur le mur qui tient le centre de l'image.
La table d'anniversaire de la belle-famille, énorme bouteille brune devant la caméra, cette blonde inquiète qui ne mange pas, assise près de son copain, des parents, et la conversation vole cynique entre des personnages aux mains seules attrapées par l'objectif.
Des êtres dans leur durée,
Pauses,
Leurs pauses pour
Chercher ?
Penser ?
Ressentir, simplement
Et les voir ainsi,
car les comédiens vivent.
Ils nous guident sans le montrer,
ou, surtout,
nous laissent imaginer, comprendre, chercher nous aussi.
La liberté face à l'image d'interpréter, d'écrire nous même nos pensées,
de redécouvrir les sons.
On oublie souvent la force d'un son quotidien, la clareté d'un filet d'eau coulant dans un verre,
l'eau claire,
claire après le choc mat du paquet jeté dans l'ombre dans le vide-ordure.
Et conclure par un regard de côté de cette profonde blonde, comme samedi, les regards du blonds reporter au centre de l'écran du quartier latin.
Je dois être ému en sortant, je perçois le monde différemment, comme par une conscience cinématographique : les voitures bougent en travelling car je marche vers elle, je marche, et me surprend en me voyant dans la vitrine, dans le miroir. Est-ce moi ? Je dois penser trop loin.
Et pourtant, je pense à peine, un très grand silence calme dans l'esprit. Flottement d'une phrase perdue, isolée, sans monologue intérieur bavardant, une phrase de réflexion et l'attente, l'écoute du silence solitaire que je ne veux pas remplir par une musique sortie du haut-parleur. Tout l'espace alentour est calme, juste trois vers de Teki Latex murmurés en sourdine par mon esprit
J'allume une cigarette et m'étonne
De me sentir bien dans mes westones
le sac plastique du pain de mie,
la porte vitrée de la douche,
l'ongle silencieux passés tout doucement sur l'épaule,
chaque événement sonore attendu en comptant pour construire la mélodie,
et même m'entendre soupirer,
soupir clair et apaisé.
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