2007/08/07

Une soirée tout en plan séquence

Lundi 30/07/2007 - Soirée à Emporter #1 - La Flèche d'Or

Un concert parisien en plein été, les horaires souples permettent d'arriver en avance, et dès 18h30, quelques groupes passent devant la Flèche d'Or, allant vite acheter un sandwich, et prendre place dans la queue qui se forme peu à peu. Devant les parkings à vélo, puis rejoignant la baraque de chantier, et le coin de la rue, puis tournant, assurément. Les poussettes doivent se frayer un passage sur le trottoir étroit totalement rempli dès 19h30, et la foule se densifie avec les retardataires qui arrivent. Certains ont envoyé des éclaireurs, et la fille assise sur la barrière abandonne son livre quand arrive son copain.

Même ceux présents sur la liste des invités ne semblent pas certains d'entrer, et la foule se faufile quand les portes s'ouvrent peu après 20h, déposant sacs à la consigne et rejoignant l'intérieur. Un panneau blanc invite le public à s'asseoir sur le canapé placé sur la scène, dans le dos des trois tabourets hauts rouges placés au premier rang. C'est une jolie foule, souriante, car entrée, et impatiente, que vont-ils inventer, et la musique se lance bien entendu par une traversée de la salle depuis le jardin.

Guitare acoustique à la main, Jeremy Warmsley traverse le public depuis l'extérieur, une caméra dans son dos, des preneurs de son, et on le suit jusqu'au coin opposé. Il termine sa chanson entouré d'un cercle, exhibant les épaisses montures noires de ses lunettes, souvent remises en place au milieu du morceau, et son torse paraît instable sous son énergie, son T-shirt noir aux trois lignes de poissons roses, jaunes et bleues, et ses bretelles arc-en-ciel. Jeremy se glisse pâle derrière le clavier encore plus lové dans le fond, dans le coin, et il poursuit sa distribution musicale charismatique, ses chansons aux paroles claires, doucement soutenue par des notes de piano au rythme s'accélérant, par une guitare fièrement grattée. Deux filles se glissent au premier rang, et on peut les apercevoir au premier rang fumant sur la vidéo.

Applaudissement, un regard sur l'Apollon doré qui se promène derrière la vitre, en haut, et les bières se distribuent au bar, les premières tournées, mais déjà on nous invite à nous asseoir, car arrive Sparrow House, prenant place sur un des tabourets rouges au centre de la salle. Le public s'assied cahotiquement, pris par surprise, passer d'un foule verticale serrée à des petits espaces assis, personne n'occupe le même volume debout et assis au sol. Le son est instable, quelques réglages, et un panneau s'agite près de l'entrée, invitant à "Aider les artistes, achetez leurs disques". Sparrow House caresse sa guitare, agite sa mèche au dessus de sa chemise, mais le son passe mal derrière les rangs de personnes non assises. D'ailleurs, après quelques chemins, un break est proclamé, peut-être y a-t-il de l'ordre et des réglages à faire.

Les instruments naviguent par dessus le public qui est assis sur la scène, des musiciens se faufilent vers les tabouret, et on nous annonce une chanson des années 60. Sparrow House et Jeremy Warsmley entre les chemises à carreaux des deux Inlets, et un air inimitable s'élève, soulevant des murmures ravis, et les filles s'exclament "oh c'est trop beau". On s'assoit légers, serrées, touchant chaque fois la cuisse de sa voisin pour trouver de la place, et je rêve, je flotte, car ne rêve-t-on pas quand on entend "God only knows" en concert ? Tout le monde retient son souffle face à ses mélodies douces et instables, et hurle de joie ravi à la fin.

Des applaudissements qui lancent Inlets, sa guitare, et sa voix seule, maniant des notes légères, des harmonies élevées à elle toute seule, la continuité parfaite du fantôme des Beach Boys. Très doux, et chaque morceau se voit salué par le public sans hésitation, au milieu d'une lumière rouge, on se croirait dans un unplugged MTV. L'apport d'un trombone en sourdine donne plus de volume, équilibre dans mon esprit ce musique émotive.

Et le fil de l'émotion se soutient, se déroule, d'une épaisseur variable, s'effilochant le long de cette soirée volontairement fragile et instable. Émotive, plutôt minimale dans ses procédés, mais la simplicité offre des possibilités d'amplitude comme le montre Sidi Ali, accompagné par les Inlets au banjo et au trombone, par Zach Condon à la trompette. Sidi Ali sample et superpose de petits motifs de guitare, à peine deux ou trois, profonds, espacés, une musique et une chant intégrant les silences, la douceur du rythme, un murmure en rythme à peine suramplifié. Construire et étendre, voici une musique qui prend son temps et comprime son énergie, son émotion, I love you when you're drunk, et même, plus tard, sa voix se superpose plusieurs fois grâce aux enregistreur, et c'est superbe. Nouvelle retenue de souffle.

Et le souffle n'a pas le temps de revenir qu'il est saisi par surprise, voici Sébastien Schuller en invité surprise, portant la même casquette et le même T-shirt qu'en juillet à la Maroquinerie. Sidi Ali gratte doucement un ukulélé, hypnotique, une boucle qu'il n'enregistre pas et ne cesse de jouer, et Sébastien Schuller se penche, offrant la pureté de son Weeping Willow et de sa voix claire. La rougeur des lampes entoure tout le monde dans ce cocon de musique et de voix, sans durée, sans rapport avec le monde qui bouge, juste pour nous et éternel, et les quelques éclats électriques de guitare de Sidi Ali sur la fin nous emporte tous. Quelle magie !

On ne veut pas arrêter d'en parler encore, encore, comment partager une telle puissance, peut-être en bavardant un peu avec un voisin qui l'a vu aussi à la Maroquinerie, n'a pas aimé Animal Collective alors, et s'interroge sur !!! quand il aperçoit leur T-shirt. Mais impossible d'analyser sans s'enflammer encore, trouver un peu d'euphorie dans la moindre référence, d'autant que la suite passe par David-Ivar Hermane Düne, encore de la magie, une superbe voix, des mélodies.

On le découvre assis sur le bar, testant une guitare muette, et pour combler le silence il parle. "J'ai connu la Blogothèque quand Vincent Moon m'a proposé de me filmer dans une machine à laver. Je ne connais rien au cinéma, et je ne savais pas trop ce que tout cela donnerait, quand je le voyais bougeait dans tous les sens autour de moi. Mais quand j'ai vu le résultat, j'ai trouvé cela très beau. En fait, moi j'aime bien le cinéma. Je suis allé voir Transformers, et j'ai bien aimé, même s'il y a un contenu politique auquel je n'adhère par vraiment. Déjà, il y a un adolescent qui se balade durant tout le film avec le T-shirt des Strokes, et ça, ça me plaît. Et puis les robots ont l'air vrais. Bien que je dois être vieux, car les combats bougent trop vite, je ne suis pas capable de suivre. Enfin, j'ai vu aussi les Simpsons, et je n'ai pas trop aimé, surtout parce que en général, j'aime bien les Simpsons. Je parle un peu en attendant qu'ils mettent le son de la guitare, mais je vais pouvoir commencer. Mes deux films préférés sont Vertigo et E.T. Alors je vais vous chanter une chanson qui parle un peu de cinéma, puisqu'elle évoque ces deux films."
This is not where they shot Vertigo, This is not where they shot E.T., But he just wants to live where she lives, So take him back to New York City.
"Encore une ?"
"Ah, et encore une, je ne peux pas terminer sur une chanson trop triste"

Et le dernier métro oblige certains à partir, à s'échapper devant la trentaine de personnes faisant toujours la queue dehors à presque minuit. Peut-être auront-ils pu voir les folies tardives...

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