Un ours problématique hante le quartier
Un chat noir observant de loin un ours noir, voilà cette semaine la couverture du LowDown. L'ours aperçu au petit déjeuner il y a deux semaines, l'ours qui grimpait à l'arbre tout près de la table où attendaient la théière pleine et la tasse.
Un ours en lisière d'un parc naturel canadien, quoi de plus normal, et pourtant l'animal peuple les conversations du quartier depuis son apparition. Chelsea, Québec, à un quart du centre ville d'Ottawa, accueille de nombreuses familles, nuée de grandes maisons dans la nature aux jardins généreux ; un cadre idyllique pour les jeux de plein air des enfants ou les barbecues entre amis. On peut donc comprendre la légère inquiétude des parents, peu rassurés à l'idée de voir un ours déambuler non loin des balançoires. L'observateur européen est tout de même tenté de considérer la situation comme courante et prévisible, ce n'est pas faux, et en effet des mesures sont prises et la population est sensibilisée ; une brochure est diffusée chaque année par la municipalité, les conduites à avoir en présence d'ours, faire un jogging avec une clochette pour mettre les animaux au courant et éviter les mauvaises surprises.
Mais le présent n'est pas un banal individu, un vulgum pecum à la sauce ours noir, c'est un ours à problèmes. Il a peu à peu pris ses habitudes alimentaires auprès des poubelles et bidons à compost, sources généreuses par comparaison à la nature sommeillant encore, printemps trop frais oblige. Et surtout, cet ours ne semble plus effrayé par l'homme ou les chiens, ce qui complique passablement la situation. En présence d'ours près de sa maison, il est recommandé de frapper sur une casserole, et l'ours commun prendra alors la fuite, apeuré, ne cherchant pas les ennuis ; le présent animal a tourné pendant un bon quart autour d'une maison dans laquelle toute la famille frappait casseroles & poêles avec entrain, il a même chargé un berger allemand qui commençait à aboyer un peu fortement. Un ours problématique.
Les échanges se sont donc multipliés par courrier électroniques dans le voisinage, d'abord pour échanger des photos & anecdotes, puis très rapidement, pour envisager des solutions. La solution du piège est vite revenue sur la tapis, déjà utilisée l'an passé pour un ours un peu trop téméraire : un cage installée en bout de l'allée, avec force appâts alimentaires, l'ours entre pour manger, et hop, le voilà pris, il n'y a plus qu'à le relâcher à quelques centaines de kilomètres dans la forêt. L'expérience de l'an passée n'avait pas été très concluante, seules quelques ratons laveurs ou écureuils avaient été attrapés. Mais les appâts naïfs à base de sirop d'érable ou biscuits au chocolat ont été remplacés cette fois par des morceaux de viande, l'ours ne devrait pas résister.
Cependant, comme le piège reste une solution un peu aléatoire, une autre solution a rapidement été suggérée par le conseiller à la faune sauvage de la municipalité : engager un chasseur professionnel, pour éliminer proprement le problème. Les réactions ne se sont pas faites attendre électroniquement : d'accord pour se débarrasser de l'ours, mais voilà qui est bien brutal ! Les habitants du quartier sont pour la plupart des amateurs de nature, sensibilisés aux questions écologiques, et une solution aussi sanglante a initialement réunie une large majorité contre elle : ce n'est pas l'ours qui vient chez nous, mais nous qui occupons son habitat naturel...
Mais peu à peu, l'idée fait son chemine, nourrie par l'agressivité du fauve et par un vieux proverbe canadien : "a fed bear is a dead bear". A savoir, un ours nourri par l'homme et ses poubelles est un ours mort : même capturé et déplacé à distance, il va vers une mort certaine. Là-bas, il se retrouvera sur le territoire d'autres ours, peu ravis par une telle immigration, et qui ne manqueront pas de l'attaquer. Empâté par plusieurs semaines de nourriture facile à obtenir et en infériorité numérique, l'ours nourri a peu de chances d'en sortir vivant. Alors, l'un dans l'autre, quitte à le conduire à une mort certaine, autant réduire les démarches et utiliser les services d'un chasseur professionnel.
Ce qui n'enlève rien aux problèmes liés à l'utilisation d'armes à feu dans un voisinage paisible...
Le feuilleton est donc loin d'être terminé. Le piège installé est d'un fort petit modèle, et il est difficile l'ours se contorsionner pour rentrer dans une cage minuscule, juste pour obtenir un peu de viande. L'animal semble malin : de la viande avait été aussi placée devant la cage pour l'attirer, ce morceau-là manque mais celui caché au fond de la caisse est resté intact... Voilà qui promet encore de nombreux échanges, photos, vidéos et anecdotes.
07/06/2009 - Chelsea, Québec
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