Le calme des piliers et la folie des marches à la sortie du Parc Güell
Je suis arrivé au Parc Güell par le haut, porté par les escaliers roulants installés au coeur des ruelles, et j'en ai donc d'abord touché le sommet. Poussiéreux dans cet végétation presque rare et sans verdure, comme chauve à la tangente de sa courbure, et proposant ses piles de pierres dépouillées, bordures de chemin discrètement grotesques pour guider dans ma descente.
Une longue courbe déroulée autour de la colline, de subtiles courbures pour observer la brume lourde et éclatante de Barcelone, en contrebas, la mer invisible, même à peine devinée.
Et, peu à peu, j'ai plongé dans les arbres plus denses, plus fournis, les esquisses de buisson, l'herbe étalée en un tapis plus artificiel que les pierres ocres : une telle verdure sous ce soleil intense et ce ciel au bleu clair et lourd, dans cet aveuglement de sable ? La foule s'est faite elle-même plus présente en groupes numérotés, panneautés à bout de bras, ballet touristique annoté pour l'observateur. Plus près du coeur du parc, bien sûr, de ce centre que les groupes express peuvent toucher sans perdre de temps, déclenchant quelques photos et quelques sourires posés, sans trop retarder le tour minuté de la ville.
Mais oui, aucun doute, voici des colonnes bien rangées, attendant sans lassitude au bout du chemin !
En leur coeur, un espace délicieusement calme, une ombre douce juste au bord des lèvres bouillonnantes du soleil à la chaleur démente. On y passe sans bruit, sous ces voûtes, les yeux au ciel vers le plafond, rosaces bricolées en éclats de céramiques, légères, instables, mais en équilibres, juste fragiles. Bien agencées, fine en dépit de leur cercle plein, complet, pesant. On s'arrête, on observe. On cherche à comprendre. On prend une photo. Un mauvais cliché dans cette lumière étrangement mélangée, et quelle aide apportera-t-elle, quel décryptage, quel saisissement de l'équilibre d'ensemble, de l'assemblage ? On baisse les yeux, on soupire. Songeur. On poursuit.
Petits balcons sur le côté, peut-être, avant de sortir. J'ai bien senti l'attroupement sur l'esplanade, je me prépare. Je respire quelques instants encore, croit encore à la tranquillité malgré le bourdonnement prégnant du bruit de fond élevé.
Et je plonge sur l'escalier.
C'est le carnaval, le rassemblement, le surgissement de personnes et de groupes, de figures souriantes, luisantes et claires dans la lumière intense. Le déchaînement des photos, des bavardages jeunes et moqueurs, des téléphones portables brandis, des sacs à dos et de l'élégance adolescente. Survêtement, sweat-shirt griffés, un peu de gel dans les cheveux. Des mèches blondes, des sacs à mains en cuir, l'oeil cerné de noir, le tatouage sur la peau blanche au creux de reins. Et, bien entendu, plus lents, comme ralentis, les groupes aux cheveux qui descendent patients les marches, jetant quelques regards alternatifs sur la jeunesse et le gardien au sifflet. Qu'il a l'air excédé, jouant des sifflements et de sa casquette, cette journée est-elle plus indisciplinée que toutes celles de l'été ?
Je me retourne. Les damiers, les piliers et quelques arbres, les figures touristiques avec leurs accessoires. Le Parc Güell est décidément fascinant.
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