Hot Chip joue sa musique disco pour mp3 au Gloria de Köln
Laid back
We'll give you laid back
Tu parles !
Les stroboscopes éclatent à haute dose, doublés de projecteurs bleus s'agitant en tout sens, la tenture en fond de scène change de couleur sans fin, vaste halot à la brillance extrême, devant lequel se dessinent, parfois, des silhouettes d'ombres, ondulantes, entre deux lumières surpuissantes tournées vers la foule. Les grappes de boules à facettes tournent et dansent, et le public bondit comme jamais, hurlant, cette grande blonde possédée du haut de son mètre quatre vingt dix, c'est l'embrassement sur cette version agressive d'"Over and Over". Laid back, un tel déchaînement ?
Force est de constater qu'il ne reste plus grand chose du Hot Chip de l'album Comin on strong, entendu il y a deux ou trois ans. Les mignonnes balades aux doux synthés sont maintenant étouffées et violentées, mais s'il osent peut-être toujours des rimes délicieusement amusantes comme "Riding in my Peugeot / Listening to Yo La Tengo", qu'importe ? Qui écoute encore les paroles de cette voix envoutante, puisque tout le monde danse sur les rythmiques assourdissantes et saturées ?
Les premiers instants du concert de ce mardi à Köln ont explosé en tout sens, faisant trembler les murs du Gloria, soufflant de leur puissance l'agacement du public. Quelques secondes auparavant, on regrettait encore le retard pris, cette attente surprenante d'avant-concert avec les ingénieurs du son testant encore et encore les mêmes instruments. On pestait contre ces artistes ultra-hype, soudain propulsé groupe le plus bloggé de la planète, et qui prennent la grosse tête. Mais la déflagration a fait reculer tout le monde et tout s'est effacé : processus ne mettant en jeu aucune analyse, simplement une injonction à danser intensément sur cette musique très forte.
Ce volume énorme, ces sons de vieux synthétiseur hurlant, saturés avec une violence surprenante, cette énergie rock s'est avérée aussitôt fascinante pour les vingt ans de la foule. Une nouvelle preuve des mélanges entre rock et musique dance, dans une direction surprenante, introduire le défoulement d'un concert rock dans un petit monde d'électronique et de boîtes à rythme. C'est le chemin inverse de Justice ou Daft Punk, qui utilisent des guitares et des sons saturés pour nourrir leur musique électronique : les Hot Chip n'utilisent que sporadiquement une guitare, mais leur assemblage synthétique se déchaine comme les plus lourds concerts punk. Au pays de Kraftwerk et des robots-mannequins impassibles devant leur clavier, Hot Chip glisse un peu de sueur entre les composants électroniques, ondule très doucement devant les clavier mais avec un grand sourire aux lèvres, et le résultat fait mouche, irrépressiblement entraînant.
Surtout, l'entraînement est particulièrement souriant, l'énergie du rock mais rayonnante, une énergie dont la violence se canalise vers un amusement commun, sans aucune tentation de pogo et de foule heurtée. Il faut dire que l'aspect des musiciens rend la scène présentée encore plus originale, une musique synthétique tournée en défouloir rock par une bande de binoclards au look magnifiquement nerd. Le plus élégant porte une vague veste sombre et une écharpe bordeaux, le moins originale affiche T-shirt et barbe de trois jours, une sorte de Thom Yorke en moins intense, et puis, pas vraiment angoissé. L'idée d'une musique jouée par des outsiders est vieille comme le rock, mais les trois membres en repoussent les limites modernes : le responsable de la boîte à rythme affiche des lunettes anti-myopie de plusieurs centimètres d'épaisseurs, un gros type bouclé plie son T-shirt vert pomme en jouant penché vers l'avant, les épaules molles, sans jamais remonter le micro manifestement trop bas. Gage de profondeur pour sa voix égale, assurément. Mais surtout, comment pourrait-on imaginer un tel leader, lui, un frontman, un homme de devant aussi petit et mal agencé ? Il porte une mèche grasse, des lunettes de prof de maths des années 70, un T-shirt blanc révélant ses biceps mous, à l'unisson de sa voix de distanciée et presque traînante.
Hot Chipp, voici le groupe du XXIème siècle, où tout le monde, n'importe qui, peut monter un groupe pour jouer la musique qui l'amuse. Bip-bip saturés mais kitch, énergie débordante mais à lunettes, idéalement à sa place dans ce Gloria de Köln, aux murs couverts de moquette rouges, où des grappes de boules à facettes pendent un peu partout entre des tuyaux métalliques parfaitement astiqués.
Mais Hot Chip, c'est plus qu'un groupe de la génération Youtube et de la vidéo de tous pour tous, c'est une musique de drogués du lecteur mp3 et de la fonction "lecture aléatoire". Ils jouent fort, mais adorent par dessus tout bousculer leurs refrains accrocheurs, créer de petites ruptures, taper sur un tambour, se taire quatre secondes, puis déverser une techno presque pure. Notre ami bouclé et enrobé glisse un refrain rap puis des paroles aux accents dancehall, la rythmique se rappelle soudain du big beat, les balades évoquent plus le R'nB que les classiques pop, même leurs anciens titres semblent joués sous forme de remix "club". Une musique de bouts épars, de coups de coeurs, de "oh, j'aime bien le dernier... je l'entends tout le temps à la radio, si on tentait quelque chose dans le genre" ! Hot Chip a glissé son lecteur mp3 dans la sono du Gloria pour le faire écouter à ses potes, ils ont monté le son à fond, et ont commencé par les tubes, pour agripper les public dès le début.
Un déroulé de titres surprenant, souvent imprévisible, et parfois, j'aurais voulu échanger l'ordre, garder cette nappe profonde et électronique pour la conclusion. Mais les trois titres du rappel, doux et magnifiques dans leurs échos de danse qui s'endort, montrent que Hot Chip maîtrise son sujet. Look et paroles pleins d'humour, sens du tube immédiat et de la musique jouée très fort, mais, tout simplement, une joli et moderne palette musicale.
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