2007/10/13

Le rugby place St Sulpice

Le ravalement de l'église Saint-Sulpice a libéré la tour sud, la tour de droite. La tour de gauche est encore cachée par des échafaudages et des bâches. Le centre de la place présente également sa zone en chantier, des palissades métalliques crème avec un toit en tôle ondulée entourent un large périmètre, l'emplacement de la haute fontaine.

Entre l'église et les palissades crème, six adolescents se passent un ballon ovale. Cinq garçons et une fille, à l'âge où une fille peut-être très fine et trop longiligne, plus grande d'une tête que les cinq garçons aux joues rondes. Douze ans, peut-être.

Tous portent jeans et baskets passe-partout, des sweat-shirts unis. Les cheveux de la fille sont châtains, longs et détachés, tombant jusqu'aux épaules sur son pull en laine vert sombre, laissant discrètement apparaître le col clair d'une chemisette.

Deux sacs à dos sont posés sur le sol, dans l'alignement du bord des palissades. Un des garçons s'empare de la balle attendant au sol, loin de cette ligne des deux sacs, et se met à courir en diagonale, au large, plus vers les sacs mais presque vers l'église, contournant les autres qui ne le suivent pas. Il poursuit sa course au large, dépasse la ligne imaginée, et s'avance jusqu'à l'alignement des bancs et des arbres, et se retourne. Il regarde un instant les autres, penché vers l'avant, et appuie rapidement le ballon au sol d'une main.

Le groupe se sépare en deux, deux équipes de trois face à face. Un des garçons au niveau des sacs à dos frappe la balle au pied, elle décolle et se dirige vers les palissades de la fontaine, sans les atteindre. On repasse la balle, et un autre frappe de nouveau la balle au pied, et elle se dirige tout à fait vers le toit de tôle ondulée, frappe le métal, rebondit deux ou trois fois et s'immobilise, roule dans le sens de la pente. Au bas du toit, elle tombe dans l'espace derrière la palissade, le toit et la palissade ne sont pas raccords. Cris. Ils récupèrent la balle grâce au trou d'une trentaine de centimètre aux pieds des palissades.

- Pénalité !

Trois garçons se prennent alors par la main, en ligne, et les deux aux extrémités lèvent leur bras extérieur. Ils sont tournés vers les deux qui prennent soin du ballon, et reculent de plusieurs pas, la fille se plaçant derrière eux. Le ballon est posé sur le sol verticalement, maintenu par le doigt d'un jeune accroupi.
- Tu l'as lève bien, hein ?
Le garçon prend quelques pas d'élan, court et frappe la balle du pied qui décolle et passe en courbe entre les bars écartés des poteaux de but humains. La fille frappe de la main la balle en phase descendante qui rebondit devant elle. Un garçon frappe la main du buteur en criant de joie.

Sur les palissades crème, de hautes photos de personnages héroïques en maillots bleu sombre. Photos d'un mètre de haut environ, une dizaine par côté du carré de palissades, photos de studio extrêmement posées. Décor brun et comme rouille façon usine, avec fumée blanche enrobant certains images, comme sortant du sol, les temps modernes, les héros en enfer ? Deux soulèvent un troisième à deux mètres au dessus du sol en le soutenant par le short, un gros plan sur un regard d'un homme au casque noir, trois hommes marchent décidés vers nous le regard droit et se serrant les coudes, et sur chaque image, la lumière s'étale très artificielle, vomie par d'énormes projecteurs invisibles, puis retouchée, le grain de peau luit mais s'affiche parfaitement égale, et surtout, surtout, l'éclat des maillots est plus synthétique et électrique qu'un conteneur de polyester concentré, simplement superbes et lisses et idéaux.

Une brochette géante de papier glacé.

12/10/2007 19h00 - Paris, Place Saint-Sulpice

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