2010/04/20

Envoyer par la Poste un colis vide, quelle bonne idée à 17h

Queue d'une bonne demi-douzaine de personnes, il est cinq heures environ, une heure de pointe pour la Poste ; pas de surprise. La file remonte perpendiculaire au comptoir, bien droite, sans même s'incurver à l'approche des rayons, elle s'engouffre entre les étalages.


Les bureaux de Poste canadiens se trouvent souvent au fond de drugstores, un rayon parmi d'autres chez ses étranges magasins. On y trouve médicaments, produits de beauté et sodas jusque tard dans la nuit, parfois vint-quatre sur vingt-quatre, sept jours sur sept (24/7 dit-on simplement), et aussi l'enseigne rouge de la Poste, les formulaires pour les impôts sur le revenu. Mélange peu intuitif pour un français. Des congélateurs pour cornets de glace, et là, juste à côté, des enveloppes à bulles, des colis prépayés !

Mais dans ce bureau du centre-ville d'Ottawa, le mélange est moins choquant, seuls des ballets et de la quincaillerie observent la Poste, la nourriture a été gardée bien à l'entrée. L'extrémité de la file d'attente se tient debout entre des rouleaux de rubans adhésifs et des emballages de pâte à fixe, le pot pourri reste sobre, et la dame en cinquième position offre une silhouette cohérente, portant le carton de son colis sorti du plastique.

Elle a dû se saisir du colis sur le présentoir de gauche, le carton est encore plat, commence à peine à prendre des airs de boîte. Le plastique d'emballage est encore enfilé à un bout, la femme pousse et repousse deux languettes sans savoir qu'en faire, elle regarde autour d'elle.

Faire la queue pour un colis vide ?

Il n'y qu'un seul agent au comptoir, pouvant pourtant accueillir deux caisses en simultanée. Chemise noire sobre, petites lunettes, cheveux ondulés châtain ramenés en catogan, il sert les clients avec une courtoisie sobre, distant, mais apparemment efficace, vu de cette distance, sans immense sourire offert ; discret, jeune, peut-être timide, presque séduisant s'il cherchait soudain de séduire, mais ce n'est pas l'endroit. Aucune nervosité apparente. La fille progresse doucement, certains client prennent plus de temps, certains n'ont besoin que d'un timbre ; que va-t-il arriver avec le colis bien immature de cette femme ?

Quelques mots, elles posent la planche de carton à plat sur le comptoir. Le jeune caissier / positer se penche, joue un peu avec les plis et les arêtes, voici un parallélépipède. Il regarde à plusieurs endroits sous son comptoir, sous la caisse, plus à gauche ; un dévideur compliqué de ruban adhésif transparent ; la femme remplit un papier autocollant, le formulaire de la douane - mais pour déclarer quoi ? On se rend compte qu'une adresse est déjà écrite sur le dessus de la boîte vide. Le postier remet en ordre une pile de feuilles blanches, apparemment vierge, juste à côté du colis creux.

Il avance le lecteur de carte bleu vers la femme tout en décollant les deux formulaires à placer sur la surface du colis ; mais la femme a mis sa carte à l'envers - puis n'a pas dû valider le bon menu. Le postier jette un oeil sur l'écran d'ordinateur au fond ; enfin, le déroulement du ticket de caisse.

Il ouvre le colis, désigne les feuilles blanches de la main. La femme opine, les prends et les places bien en ordre dans le colis. Le postier les sort aussitôt, commence à la chiffonner en boule : plus de volume dans le colis, il faut éviter qu'il s'écrase dans le trésor, une telle caisse de résonance et si peu d'armature ! La femme roule et roule en boule, il n'y a bientôt plus de place, tellement de papier pour un colis vide.

Un colis vide ! Un colis vide ? Juste pour envoyer la boîte ? Ne trouve-t-on pas à l'étranger d'aussi bon colis que les colis canadiens ? Alors une boîte pleine de papier comme on enverrait une nouvelle valise et qu'il faudrait lester un peu pour qu'elle résiste aux chocs de la soute.

Le postier ne prend pas la peine de peser le colis plein de papier. Au Canada, on paie à la dimension, il n'a pas besoin de ressortir son mètre ruban une fois toutes les arêtes de la boîte recouverte de la large ruban transparent.

Ottawa - 19/04/2010

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