Fumer peut causer des annulations de vols
Vendredi dernier, vers 15h, le portable de Fra s'est mis à vibrer sur le bureau voisin.
"AIR CANADA FLIGHT UPDATE: your flight AC838 is cancelled"
Quelle nouvelle !
Nous étions au courant depuis deux heures environ, par le site Internet d'Air Canada. Ces systèmes automatiques ne sont pas très efficaces...
Il faut dire que depuis presque 24h, tout notre labo est branché en continu sur les nouvelles aériennes, l'état de santé du volcan islandais et la clarté de l'espace aérien européen. La vague de fermeture des aéroports européens s'est déclenché au pire moment pour notre équipe : nous devions nous rendre à Côme en groupe de 7 chercheurs pour le LII Workshop, conférence concernant notre domaine de spécialité.
Nous avons donc beaucoup appris sur les systèmes d'informations aériens, d'autant que nous avions presque autant de vols que de participants. Chacun partait un jour différent, pour une escale différente, impliquant un passage dans un labo gallois pour expérience, deux jours de vacances à Florence ou une fête d'anniversaire surprise dans un coin de l'Allemagne. Equipe éclectique, membres dynamique, mais tout autant bloqués sur Ottawa, ou presque. Deux d'entre nous avaient rejoint l'Europe dès le mercredi, juste avant la fermeture des aéroports.
Nous avons commencé par chercher des solutions alternatives, plus ou moins fantaisistes, en fonction du sens d'imagination de nos interlocuteurs American Express. AmEx gouvernemental, donc bilingue, et le français m'avait permis de négocier un joli trajet Ottawa - Chicago - Roma - Milano d'environ 16h. Mais Oli avait été mieux conseillé encore, l'agent de voyage lui proposant un Ottawa - Vancouver - Francfort - Milan, superbe mise en pratique du principe "reculer pour mieux sauter".
Mine de rien, on a bien ri, même si le rire était plutôt nerveux.
Et finalement, les 5 chercheurs restants se sont résolus à rester en terre canadienne.
Mais comment aurait-il pu en être autrement vu la brochette de malchanceux impliqués dans les déplacements aériens de cette fin de semaine ? Mes parents devaient rentrer du Canada le jeudi, et mon père a un beau passé de trajets mouvementés. Fra se présente comme malchanceuse chronique, et la gravité des pannes qu'elle a rencontré à Suttgart semble lui donner raison. J'ai moi-même eu la chance de partir en conférence vers Londres, le lendemain de la découverte liquides explosifs en bouteilles découverts à Heathrow ; voler avec mon passeport pour seul bagage à main reste une grosse expérience. Et surtout, j'avais eu la bonne idée d'inviter Laurent pour quelques jours de vacances à Milan : Lolo, bon sang, le champion de France en titre des vacances annulées, impossibles à compter sur une seule main !
Une telle dream team de la déveine ne pouvait qu'entraîner un événement mémorable, du jamais vu, un blockbuster de la malchance : 7 millions de passagers bloqués, finalement, ce n'est pas très surprenant.
Pas de chocolat, donc, pas d'Italie pour moi ; ni conférence, ni vacances, ni pizza à l'aéroport ou match de l'Inter vécu dans la place.
Tant pis !
D'autant que l'amputation de la conférence a permis de vivre une jolie expérience : suivre des présentations par visio-conférence avec 6h de décalage horaire. Plus de la moitié des participants n'ont pas pu faire le déplacement vers l'Italie, qui de San Francisco, qui de Suède, qui de Moscou ; il a rapidement été envisagé une communication par Internet, histoire de nourrir les débats. Rien n'avait été prévu en la matière : la conférence n'en est qu'à sa 4ème édition, et puis qui aurait vraiment placé "risque d'éruption islandaises" dans l'analyse de risques de l'organisation ? "Allez, Giorgio, assez déconné, on a encore du boulot pour l'organiser, cette conférence. C'est bon de rire parfois, mais un volcan, tout de même; Sacré Giorgio".
Alors un collègue canadien et KP-de-Stuttgart ont bricolé les ordinateurs pour obtenir cette visioconférence, sans trop de matériel, sans planning vraiment adapté pour convenir à la fois à Moscou et San Francisco. Ces expérience visio-conférencière vaudraient un long message à elle seule, entre échos & larsen naïfs, échanges par chat MSN sur le contenu des expériences ou Oli donnant sa présentation à 6h du matin dans un labo désert.
Malheur est bon pour l'humour et l'anecdotique.
Mais je ne sais pas si je rirais autant si ce volcan champion de Scrabble continuait à fumer jusque mi-mai, mettant en péril mon passage sur Paris. Quoique : ne peut-on rire de tout ?