2007/12/28

n°4 - The National, charisme fragile et délicat

N°4

Assez rapidement, l'évidence s'est imposé en effaçant toute hésitation : oui, à un mètre à peine dans la magnifique Maroquinerie, joue bien le plus grand groupe du monde.

Un heure auparavant, je me suis approché doucement de la scène, ravi d'être arrivé tôt, d'assister de près au concert de The National. Réputation prometteuse, certains blogs n'hésitent pas à parler ainsi de plus grand groupe du monde, et d'une certaine manière le public autour de moi m'offre une jolie confirmation. Une mère et sa fille, arrivées directement de Lille, discutent en anglais avec un couple : un canadien barbu et sa copine anglaise, effectuant ce soir-là leur premier voyage dans Paris depuis leur ville de Manchester. Le groupe déplace les foules, de très loin, leur musique profonde dont je ne connaît alors qu'un seul morceau doit valoir le détour.

Je suis vierge de sons et d'images concernant ce groupe, et a-t-on souvent la chance de découvrir ainsi des morceaux riches et chargés d'émotion ?

Le groupe s'est faufilé sur scène, assemblant délicatement les éléments de leur musique, guitare fine, parfois quelques notes de piano, tissant peu à peu une toile chaude et douce où court une voix profonde et sublime, des fils peu à peu noués ensemble pour serrer le public très fort et les emmener avec eux. Ils ont commencé par "Start a war", il me semble, et c'est de toute manière tellement logique : deux ou trois accords de guitare et une voix au cocktail étrange, murmure, feulement, presque un vieux vinyle grésillant, avec une douceur et une douleur mélangées, entame caressante à laquelle s'ajoutent progressivement une montée de corde et de batterie, et tout s'éteint rapidement avec délicatesse. Le silence s'écoute alors rempli, et le reste sera beau également.

Tout un enchaînement de chansons riches, posant leurs briques côte à côte et empilant leur richesse émotive, l'investissement des musiciens, et la présence fascinante du chanteur. Ce chanteur offre sa présence sur laquelle reste fixé le regard, ce corps pâle au teint clair, cheveux très blonds, des sourcils presque invisibles, assurément, la présence troublante qu'aurait une fine brindille sur le point de craquer, buvant du vin à même la bouteille, se tordant les mains, murmurant des paroles à la tonalité profondément mélancolique, puis hurlant le même type de chanson debout sur les hauts-parleurs. Montagne russe incessante de désespoir deviné ou imaginé, de détresse, de richesse artistique, de beauté et d'énergie sur le point de déborder.

Tout ce mélange instable, c'est la grandeur que recherche un rock moderne, et c'est pourquoi The National est un très, très grand groupe.

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