2007/12/19

n°11 - Sufjan Stevens, décrire tout un état en un disque

N°11

Prochainement sera publié un album ayant pour thème l'Ile-de-France, sa petite et sa grande histoire, ses personnages, ses lieux, faits divers, ses symboles. On y croisera des chansons évoquant le château de Versailles et la Tour Eiffel, Gavroche, peut-être, le PSG, les grèves de métro, Paris Plage, le Vélib', "Paris Libéré", des adolescents électrocutés ou renversés à mini-moto, les films de la Nouvelle Vague, les Champs-Elysées noirs de monde pendant une Coupe du Monde. La musique sera dense, moderne et libre, et les paroles riches, fluides et parfaitement recherchées, pour faire tenir toute une mythologie contemporaine en une vingtaine de titres et soixante-dix minutes environ.

Puis il sera temps d'enchaîner, au bout d'un an ou deux, sur le Nord-Pas de Calais, puis sur la Bretagne. Un album par région, toutes joliment croquées par un artiste ambitieux.

Rêvons un peu, mais qui oserait s'astreindre à une telle démarche ?...

C'est un projet plus ambitieux encore qu'a défini Sufjan Stevens : réaliser un album par état des Etats-Unis, et pour l'instant, pas de petits albums de quelques titres reposant sur quelques clichés touristiques. De riches recueils chargés de recherches approfondies, des mélodies allant de la ballade folk à la comédie musicale, des choeurs, de l'humour. Il a immortalisé le Michigan, et surtout, en 2005, l'Illinois. Come on, feel the Illinoise!, album de l'année 2005 pour beaucoup de critiques.

Vingt-deux titres aux références multiples, parvenant à remplir sans mal une page entière de Wikipedia. L'exposition universelle de Chicago, des allusions aux Metropolis de Superman, le jour de Casimir Pulaski qui est férié en Illinois, la Nuit des Morts Vivants, Al Capone, l'homme le plus grand du monde ou encore un serial killer. Toute une mythologie historique nourrie par une lecture des archives, doublée d'un jeu sur les symboles pop. La couverture originale de l'album comportait même Superman, jusqu'à interdiction par l'éditeur concerné.

Pourtant, la puissance du disque ne tient pas seulement à cette performance descriptive, mais à la fantastique impression de richesse qui parcourt le disque. Richesse des paroles, les textes étant subtiles, magnifiques, et au vocabulaire varié, capables de jeux allitératifs tels que "Cannot conversations cull united nations?". Ce qui est plutôt beau dans une chanson pop. Mais surtout, la musique s'envole dans des arrangements imprévus, une ballade à guitare succédant à un jeu de cordes et de choeurs fournis.
A elle seule, la chanson titre m'a guidé dans des écoutes répétées nimbées de redécouverte : 6 minutes en deux parties distinctes, début avec un piano marqué, des vers courts, puis une partie instrumentale magnifiquement introduite, qui conduit au deuxième moment dans un glissement fluide. Les choeurs féminins répondent alors à la voix de Sufjan, c'est beau, touchant, et j'y ai découvert fasciné l'expression anglaise "I cry myself to sleep". Le pouvoir évocateur et condensé de cette expression m'impressionne toujours depuis six mois, associé à ce superbe Come on! Feel the Illinoise!

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