2007/12/31

n°2 - Panda Bear peint tout seul de longs paysages

N°2

- Happy Birthday, Panda Bear.

Un gâteau arrive avec bougies, et toute la Maroquinerie chante en choeur pour fêter cette occasion, une communion de groupe supplémentaire après la prestation hypnotisante du groupe Animal Collective. Geolist tripatouillant les boutons de ses nombreuses consoles, guidé par sa lampe frontale, un chanteur bondissant à casquette molle, frappant parfois une batterie, et au bout, tout à droite, Panda Bear, ses samples bidouillés, sa voix claire. Le trio livre une musique agressive et répétitive et magique, des instants jamais entendus ailleurs, une transe de percussions, de boucles électroniques et de chants remplis d'échos, une pop d'avant-garde qui n'a plus rien de pop, en fait. Mais la salle est pleine et entraînée d'un seul mouvement, une expérience unique, et même sans le magnifique Peacebone paru cette année.

L'expérience est unique et enrichissante, comme celle d'écouter le vieux live du groupe, Hollinndagain, extrême, fou, quasiment sans chanson mais juste de longs morceaux de bruits et de nappes sonores. Une expérience unique et éprouvante.

Mais j'ai eu le courage de plonger dans de telles expérience uniquement après avoir écouté les morceaux de l'album que Panda Bear a publié cette année en solo, Person Pitch. L'album est irrigué par toute cette gestion du bruit avec Animal Collective, leur travail sur les boucles, les sons électroniques, et leur mélange avec des voix claires. Mais les bruits se sont adoucis, l'énergie s'est canalisée pour bousculer la pop mais en conserver la douceur et la caresse, un psychédilisme moderne à la beauté étrange mais profonde, une séduction débordant d'images pour qui ose se glisser dans cette logique. Une mise en scène où les variations et les détails prennent leur temps pour vous prendre par la main, vous emmener loin.

Ainsi, une chouette hulule doucement, dans le silence, puis hulule de nouveau, et débute une promenade à Lisbonne. Promenade à vélo, on entend le roulement permanent de la chaîne, un délicat soufflement de vaporisateur au démarrage, ou le soupir d'une pompe, puis seul le roulement de la chaîne continue, encore, et encore, tout doucement. Sur le porte-bagage, Panda Bear chantonne dans notre oreille, un chant lointain dans lequel il aime introduire des échos, surprendre par des changements de hauteur, et l'on se laisse bercer par tous ces roulements sous le soleil, chant, balancement de la bicyclette, la voix claire, le ciel bleu au-dessus. On reprend de la voix la fin des vers de la chanson, sans chercher à comprendre les paroles, mais les notes soutenues de la fin sont enthousiasmantes, et sur une piste cyclable, on peut crier sans problème. La chaîne s'écoule, encore un soufflement, pompe, ou une vague qui éclate sur la berge, et un petit cheval se glisse à nos côtés, il trottine et ses sabots frappent le sol ferme mais souple, en terre battue. Comme au bord de dunes, et Panda Bear a sauté ainsi sur l'animal. Sur la gauche, une montagne russe, on passe vite, juste le temps d'entendre une vague de cris ravis qui descendent à toute vitesse, et Panda chante de plus belle, tout à côté et tellement loin, sa voix perdue dans l'écho. Plus personne autour de nous maintenant, juste quelques clochettes en sourdine, comme fixées à une clôture, mais bientôt, les environs s'animent, on tape plus fortement, des chocs rythmés, une troupe de tambours juste devant nous. Je tape des mains même à vélo, et dans un champs, un groupe de gymnastes ultra rapides multiplie les mouvements, hop hop hop hop hop hop. Derrière la colline, le carillon d'une église, la sortie de la messe ou plus sûrement un mariage, ses notes métalliques claires et pures, et la chorale doit sortir aussi, on l'entend siffloter également. Une femme dans le fossé écrase un fou rire, ou s'est tordu la cheville, on ne sait pas, rire large et étranglé. Peut-être est-elle dérangée par les pleures du bébé derrière elle, dans la tente, forcément, tout ce mélange sonore, il s'est réveillé, cloches de plus belle, Panda Bear en trois exemplaires qui chantent tous ensemble en choeur légèrement décalé, car la fin approche, et d'ailleurs, des feux d'artifice sont envoyés en plein jour, on entend des tirs continus de fusées entre deux bourdons de cloches et d'orgue, au milieu des voix qui se sont éloignées, car Panda Bear marche maintenant dans le champs, dos tourné, on l'entend moins, et toute sa ménagerie sonore, orgue et fusées, le suit vers l'horizon en diminuant.

Voici la promenade que nous offre les douze minutes du sublime Bros, une folie, un voyage, un sommet de chanson et d'atmosphère, une magie, une nouvelle saturée de détails.

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