2007/12/31

Le sapin de Notre Dame

28/12/2007 - Paris, Notre-Dame










n°2 - Panda Bear peint tout seul de longs paysages

N°2

- Happy Birthday, Panda Bear.

Un gâteau arrive avec bougies, et toute la Maroquinerie chante en choeur pour fêter cette occasion, une communion de groupe supplémentaire après la prestation hypnotisante du groupe Animal Collective. Geolist tripatouillant les boutons de ses nombreuses consoles, guidé par sa lampe frontale, un chanteur bondissant à casquette molle, frappant parfois une batterie, et au bout, tout à droite, Panda Bear, ses samples bidouillés, sa voix claire. Le trio livre une musique agressive et répétitive et magique, des instants jamais entendus ailleurs, une transe de percussions, de boucles électroniques et de chants remplis d'échos, une pop d'avant-garde qui n'a plus rien de pop, en fait. Mais la salle est pleine et entraînée d'un seul mouvement, une expérience unique, et même sans le magnifique Peacebone paru cette année.

L'expérience est unique et enrichissante, comme celle d'écouter le vieux live du groupe, Hollinndagain, extrême, fou, quasiment sans chanson mais juste de longs morceaux de bruits et de nappes sonores. Une expérience unique et éprouvante.

Mais j'ai eu le courage de plonger dans de telles expérience uniquement après avoir écouté les morceaux de l'album que Panda Bear a publié cette année en solo, Person Pitch. L'album est irrigué par toute cette gestion du bruit avec Animal Collective, leur travail sur les boucles, les sons électroniques, et leur mélange avec des voix claires. Mais les bruits se sont adoucis, l'énergie s'est canalisée pour bousculer la pop mais en conserver la douceur et la caresse, un psychédilisme moderne à la beauté étrange mais profonde, une séduction débordant d'images pour qui ose se glisser dans cette logique. Une mise en scène où les variations et les détails prennent leur temps pour vous prendre par la main, vous emmener loin.

Ainsi, une chouette hulule doucement, dans le silence, puis hulule de nouveau, et débute une promenade à Lisbonne. Promenade à vélo, on entend le roulement permanent de la chaîne, un délicat soufflement de vaporisateur au démarrage, ou le soupir d'une pompe, puis seul le roulement de la chaîne continue, encore, et encore, tout doucement. Sur le porte-bagage, Panda Bear chantonne dans notre oreille, un chant lointain dans lequel il aime introduire des échos, surprendre par des changements de hauteur, et l'on se laisse bercer par tous ces roulements sous le soleil, chant, balancement de la bicyclette, la voix claire, le ciel bleu au-dessus. On reprend de la voix la fin des vers de la chanson, sans chercher à comprendre les paroles, mais les notes soutenues de la fin sont enthousiasmantes, et sur une piste cyclable, on peut crier sans problème. La chaîne s'écoule, encore un soufflement, pompe, ou une vague qui éclate sur la berge, et un petit cheval se glisse à nos côtés, il trottine et ses sabots frappent le sol ferme mais souple, en terre battue. Comme au bord de dunes, et Panda Bear a sauté ainsi sur l'animal. Sur la gauche, une montagne russe, on passe vite, juste le temps d'entendre une vague de cris ravis qui descendent à toute vitesse, et Panda chante de plus belle, tout à côté et tellement loin, sa voix perdue dans l'écho. Plus personne autour de nous maintenant, juste quelques clochettes en sourdine, comme fixées à une clôture, mais bientôt, les environs s'animent, on tape plus fortement, des chocs rythmés, une troupe de tambours juste devant nous. Je tape des mains même à vélo, et dans un champs, un groupe de gymnastes ultra rapides multiplie les mouvements, hop hop hop hop hop hop. Derrière la colline, le carillon d'une église, la sortie de la messe ou plus sûrement un mariage, ses notes métalliques claires et pures, et la chorale doit sortir aussi, on l'entend siffloter également. Une femme dans le fossé écrase un fou rire, ou s'est tordu la cheville, on ne sait pas, rire large et étranglé. Peut-être est-elle dérangée par les pleures du bébé derrière elle, dans la tente, forcément, tout ce mélange sonore, il s'est réveillé, cloches de plus belle, Panda Bear en trois exemplaires qui chantent tous ensemble en choeur légèrement décalé, car la fin approche, et d'ailleurs, des feux d'artifice sont envoyés en plein jour, on entend des tirs continus de fusées entre deux bourdons de cloches et d'orgue, au milieu des voix qui se sont éloignées, car Panda Bear marche maintenant dans le champs, dos tourné, on l'entend moins, et toute sa ménagerie sonore, orgue et fusées, le suit vers l'horizon en diminuant.

Voici la promenade que nous offre les douze minutes du sublime Bros, une folie, un voyage, un sommet de chanson et d'atmosphère, une magie, une nouvelle saturée de détails.

2007/12/30

Dîner de fin d'année

29/12/2007 - Issy-les-Moulineaux

Apéritif - Brochettes pomme / fromage


Salade avec orange et canard


Chapon farci au foie gras et aux cèpes
Accompagnement de pomme de terre, carottes et marrons


Plateau de fromage, avec Brie aux figues


Trou normand : Cointreau et glace spéculoos


Gâteau noix de coco et meringues

2007/12/29

n°3 - Jeanne Cherhal et Florent Marcher m'ont donné envie de chanter en français

N°3

Non, je n'écoute pas beaucoup de groupes en français. Paresse, snobisme, envie de dépaysement, goût pour l'anglais, la véritable langue de la pop.

Mais comment résister au charme de Jeanne Cherhal et de son album "L'eau" ? Je l'apercevrai à la Cité de la Musique pour quelques titres, cheveux et jupe très courts pour charisme immense, mais les musique de l'eau m'avaient déjà convaincu. Textes fins, évitant généralement les rimes trop faciles pour explorer des pistes variées, et ils courent sur des musiques à la production limpide, ils courent élancés pour explorer des pistes peu empruntées : évocation humoristique de la canicule, dénonciation délicate de l'excision, récit pudique et profonde d'une nuit d'amour sans lendemain.

Et par dessus plane la grandeur évidente de "Je suis liquide", chanson parfaite qui m'a fait presser Repeat de nombreuses fois, qui m'a fait chanter très fort au volant de ma voiture, bondir, rêver, l'assemblage idéalement équilibré. Une basse hypnotique, un chant doublé et magnifique, un texte simple mais sans facilité, des non non non répétés encore et encore en bout de morceau : une de mes merveilles de l'année.

Je suis liquide de sueur et de confusion
Je suis liquide comme la lave en fusion
Je suis liquide et deviens flaque en un clin d'oeil
Je suis liquide comme la rosée sur les feuilles
Je suis liquide en écoutant couler mes veines

Au-delà de pépites rassemblées, on peut rêver à une trame narrative étendue sur toute la longueur d'un album. Une ville de province morne, son clocher, son microclimat, et un terrain de foot pour laisser jouer les enfants quand les parents se disputent. Une petite ville, et l'école comme chance de sa vie, les bonnes écoles, même si finalement, on se trouve un boulot morne en banlieue parisienne, à partager sa vie avec une fille rencontrée dans un bar, attendrie malgré l'ivresse violente et masculine. Une modeste vie à deux, donc, et le déprime qui pointe, les cachets, la crainte des pendaisons de crémaillères, le dérapage du fait divers, l'opprobre du JT régional de France 3.

Un roman dans la France moderne, voici Rio Baril de Florent Marchet, chef d'oeuvre de musique et d'écriture. Une trame de guitare, de grands espaces, où se promènent des textes sur les attentes parentales, des listes de médicaments à la Pérec, une longue pièce parlée sur la crise des 35 ans, les exclamations des français moyens qui papotent sur les malheurs des autres. C'est rempli de fines observations, juste, puissant et littéraire, c'est un exemple qui donne envie de remettre en cause son écriture et de chercher à progresser et de construire : c'est magnifique, un tel assemblage.

2007/12/28

n°4 - The National, charisme fragile et délicat

N°4

Assez rapidement, l'évidence s'est imposé en effaçant toute hésitation : oui, à un mètre à peine dans la magnifique Maroquinerie, joue bien le plus grand groupe du monde.

Un heure auparavant, je me suis approché doucement de la scène, ravi d'être arrivé tôt, d'assister de près au concert de The National. Réputation prometteuse, certains blogs n'hésitent pas à parler ainsi de plus grand groupe du monde, et d'une certaine manière le public autour de moi m'offre une jolie confirmation. Une mère et sa fille, arrivées directement de Lille, discutent en anglais avec un couple : un canadien barbu et sa copine anglaise, effectuant ce soir-là leur premier voyage dans Paris depuis leur ville de Manchester. Le groupe déplace les foules, de très loin, leur musique profonde dont je ne connaît alors qu'un seul morceau doit valoir le détour.

Je suis vierge de sons et d'images concernant ce groupe, et a-t-on souvent la chance de découvrir ainsi des morceaux riches et chargés d'émotion ?

Le groupe s'est faufilé sur scène, assemblant délicatement les éléments de leur musique, guitare fine, parfois quelques notes de piano, tissant peu à peu une toile chaude et douce où court une voix profonde et sublime, des fils peu à peu noués ensemble pour serrer le public très fort et les emmener avec eux. Ils ont commencé par "Start a war", il me semble, et c'est de toute manière tellement logique : deux ou trois accords de guitare et une voix au cocktail étrange, murmure, feulement, presque un vieux vinyle grésillant, avec une douceur et une douleur mélangées, entame caressante à laquelle s'ajoutent progressivement une montée de corde et de batterie, et tout s'éteint rapidement avec délicatesse. Le silence s'écoute alors rempli, et le reste sera beau également.

Tout un enchaînement de chansons riches, posant leurs briques côte à côte et empilant leur richesse émotive, l'investissement des musiciens, et la présence fascinante du chanteur. Ce chanteur offre sa présence sur laquelle reste fixé le regard, ce corps pâle au teint clair, cheveux très blonds, des sourcils presque invisibles, assurément, la présence troublante qu'aurait une fine brindille sur le point de craquer, buvant du vin à même la bouteille, se tordant les mains, murmurant des paroles à la tonalité profondément mélancolique, puis hurlant le même type de chanson debout sur les hauts-parleurs. Montagne russe incessante de désespoir deviné ou imaginé, de détresse, de richesse artistique, de beauté et d'énergie sur le point de déborder.

Tout ce mélange instable, c'est la grandeur que recherche un rock moderne, et c'est pourquoi The National est un très, très grand groupe.

2007/12/27

n°5 - Architecture in Helsinki et !!!, tribus championnes du rock pour danser

N°5

Un concert n'a pas besoin de mettre en jeu des performances musicales de haut vol pour offrir un plaisir immédiat. Certains vous emportent d'eux-mêmes, l'énergie d'une bande dynamique sur scène, l'enthousiasme qu'ils transmettent à la foule, toute la salle qui se met à onduler, un gigantesque partage de chaleur sociale et d'oubli.

Et l'effet est plus saisissant encore quand le groupe sur scène s'affiche nombreux et plus enthousiaste encore que le public. Ils s'amusent ravis, les énergies sur scène et dans la foule s'échangent et se nourrissent, et l'on vit des moments fascinants comme ceux d'un concert d'Architecture in Helsinki vécu au premier rang. Les membres du groupe aux looks improbables, longues barbes rousses, coupe au bol et T-shirt Ghostbuster, leur joie de changer d'instruments, de sauter et taper des mains tous ensemble, des chansons pop qui se dansent en tous sens avec un gigantesque sourire que l'on ne contrôle plus.

Car comment poser des mots sur ces fêtes rock ?

People always ask me
"What's so fucking great about dancing?"
How the fuk should I know?
Yeah, even I can barely understand it
But when the music takes over,
The music takes control

Voici ce que chantent les !!! dans leur hymne, l'indépassable "Me and Giuliani down by the school yard", fantastique pépite de 10 minutes de guitares et percussions et chants pour danser sans fin. Et leurs concerts libèrent une folie collective superbe, plutôt basique, mais à la magie profonde. Huit, dix musiciens sur scènes, deux guitares aux multiples pédales d'effets, trois percussionnistes, deux chanteurs, et des cuivres parfois, des chanteurs qui dansent et se déhanchent et bondissent dans la foule, au milieu des jeunes filles en débardeur qui bougent en tout sens. Ce n'est plus une salle rock, c'est une pure piste de danse, une soirée de libération, une intense perte de contrôle qui résonne longtemps dans le battements de coeur et de tout le corps.

2007/12/26

Dessert de Noël



n°6 - Arcade Fire, toujours le plus beau groupe du monde

N°6

Ils sont revenus armés des mêmes beautés efficaces, la voix masculine comme au bord de la crise de larmes et la voix féminine douce et piquante, les courses de batterie, les violons, la mélancolie désabusée chantée à tue-tête en tapant des mains. Ils ont ajouté un orgue d'église, une bible en néon, et Bruce Springsteen est apparu dans les influences évoquées par les critiques.

Dévorer les rumeurs et ne savoir qu'en penser, enthousiasme, crainte : Arcade Fire est revenu cette année pour son deuxième album, et le premier m'avait si profondément touché, leur fantastique concert avec un engagement complet des nombreux membres, leur lyrisme écorché... Qu'espérer, sinon une belle déception ?

Alors je n'ai écouté que distraitement quelques morceaux de l'album, j'ai ravalé ma déception de ne pas avoir de places pour leur concert à l'Olympia en mars.

Puis j'ai dévoré des yeux les Concerts à Emporter de la Blogothèque. Entassés d'abord dans un monte-charge, jouant tout doucement leur nouveau "Neon Bible", serrés et présentant leur cohésion, leur joie de jouer ensemble dans une cellule de prison si cela s'avérait nécessaire, car, qu'importe, on trouve toujours du papier de brouillon à déchirer comme percussion. Puis entassés encore pour une plongée dans la foule de l'Olympia, hurlant leur "Wake Up" dans des mégaphones au milieu des regards brillants grands ouverts, chantant tous ensemble, tous, tous ensemble. C'est cela, Arcade Fire, un long chant tous ensemble, qu'il prenne la forme d'un hymne bondissant ou d'une chanson à guitare acoustique : tout le monde joue le morceau tout le temps.

Et c'est magnifique sur scène, même à Rock en Seine, de loin, au milieu d'une foule trop nombreuse pour se croire encore entre Happy Few. Oui, il y a un orgue sur scène, les choeurs respectueux du public font craindre à un destin de groupe de stade, mais qu'importe, si la même énergie s'écoule sur scène, je ferai un effort et irai souriant voir Arcade Fire au Stade de France. Revoir encore et encore Arcade Fire en concert pour toucher à leur capacité à faire d'un concert rock un superbe spectacle vivant, une joie de jouer, d'échanger leurs instruments, d'explorer des ambiances et des sentiments, qu'ils soient expansifs comme ceux de Funeral en 2005 ou plus sombres et contenus comme sur Neon Bible, riche et discret concentré d'émotion. Peut-être pas le meilleur album de l'année, mais assurément le plus beau groupe du monde.

2007/12/24

Marcher dans Paris le dimanche avant Noël











n°7 - L.O.L.A. Lola, my classic single for 2007

N°7

La basse ronde et dansante alterne avec les morceaux punk balancé énergiquement, le mélange explosif de la compilation Post - Punk vol. 1 déjà évoquée, et au milieu, une délicate chanson pop. Une reprise de Lola par The Raincoats, le tube des Kinks chanté presque à l'identique par ce groupe féminin en 1979. Le même roulement de batterie, une guitare à la caresse similaire, les paroles déroulées avec respect et enthousiasme, pas évident de décrire précisément ce qui diffère de la version des Kinks, peut-être une douce énergie insouciante et brute, le son moins dense comme sorti d'une minuscule répétition improvisée, le charme de voix féminine haute perchée, un sentiment d'urgence mystérieux.

Découvrir ce titre en août, à Londres, dans le pittoresque magasin Rough Trade de Brick Lane, a été une délicieuse surprise, bondir dans le Tube en fredonnant LOLA L O L A LOLA, un plaisir dérisoire et profond pour un amateur de pop. Les paroles coulent d'une facilité magnifique, des phrases courtes, mais variées, capables de mêler d'entraînants lalala à une histoire de travesti nommé Lola. Un petit chef d'oeuvre pop, un récit peint en quelques vers, une grande réussite.

Puis cette chanson est revenue vers moi en septembre, une scène de fête chez des drogués au milieu des années 80, un passage d'une très belle justesse au coeur du film "Tout est pardonné". Tiers du film, le début s'est affiché classique, agréable sans générer une séduction irrésistible, mais depuis quelques minutes, le ton s'est infléchi, élargissant le propos, et il ne va pas tarder à emporter le morceau. Car apparaît ainsi cette musique claire mais underground, une énergie irrésistible et douce, le choix fonctionne parfaitement, et j'ai envie de sauter bras en l'air avec ces jeunes, puis d'embrasser ma voisine dans ce cinéma du quartier latin, pour lui faire partager ma larmes joyeuses face à cette redécouverte. Vive le cinéma sensible, les beaux plans face à un mur de briques, les filles au regard instable, et celles qui chantent à deux leur chanson préférée en riant.

2007/12/23

n°8 - Des DJs en couple et l'euphorie ne retombe pas

N°8

Le garçon passe le relais à la fille, rotation continue en haut d'une plate-forme qui monte et descend en haut au bout d'une grue, et parfois, des jets de flammes jaillissent verticaux. La longue avenue débouche sur la place de la Bastille, sur une scène mollement pop rock au bout, et pourtant surchargée pour la Fête de la Musique. Mais les groupes n'existent plus au pied de cette grue entre les arbres, juste le couple Scratch Massive qui distribue les sonorités électroniques les plus récentes, et la foule danse avec enthousiasme, fournie sans être surchargée. Une danse d'oubli, de sourire partagé et sans hésitation, et le couple sur la plate-forme rayonne lui aussi face à cette fête où tous crient et lèvent le poing dans les instants les plus euphoriques.

Se glisser ravi dans cette ambiance hédoniste, moderne, certainement convenue, mais bien agréable.

Et plus agréable encore face à la grand scène d'un festival comme Rock en Seine, où la foule se fait plus dense, où les oscillations de la danse se diffusent avec une amplitude fascinante, où l'emportement électronique conquiert peu à peu le public aux racines rock, guitare et chant. Voici les 2manydjs en duo magique au coeur de la nuit qui descend doucement, tripatouillant sans cesse leurs boutons en parallèle, et l'ivresse se fait irrésistible dès les premières mesures de YMCA, reprises en boucle pendant trois minutes de quelques notes inachevées, excitantes, frustrantes et ébouriffantes, et le parc de St Cloud ondule sans fin, un rêve festif partagé à tellement.

Weihnachtsmarkt in Essen

15.12.2007 - Essen






2007/12/22

Figures des marchés de Noël




n°9 - Menomena, douceur explosive et petits dessins

N°9

- L'album de l'année, jusqu'à maintenant.
Au deuxième rang, à la Flèche d'Or, deux filles dévorent le concert de Menomena, se tenant par le bras le regard brillant. Elles avaient fait la queue devant moi pour aller aux toilettes, cet espace étrange de la Flèche d'Or où les filles attendent leur tour juste devant les urinoires. J'avais alors attrapé au vol leur goût prononcé pour Friend & Foe, l'album de Menomena, l'a priori positif que la belle performance du groupe confirmait admirablement.

Menomena, des chansons assez classiques où surgissent souvent des explosions puissantes, des montées d'engagement fortes, où se glissent presque en permanence de tous petits détails charmeurs, quelques notes de piano, des soufflements de saxophone, un choeur discret. Ruptures énergiques et décorations musicales choisies avec justesse, ces chansons déboutonnent leur chemisier assez classique pour découvrir une profondeur blanche et belle. Sur la scène, les trois Menomena offrent en ligne leur énergie teintée d'émotion, une rangée sur le même plan pour un spectacle vivant plein d'engagement et de jeunesse, et spectateur du premier rang, je souris largement.

Oui, Menomena, c'est une jeunesse qui tente avec enthousiasme de petits risques dont nous sommes les témoins ravis. Un concert fort, un album plutôt réussi, qui suggèrent surtout une forte marge de progression. Et une pochette d'album que je me lasse pas d'observer, assemblage méticuleux de petits personnages de bande dessinée, croqués par Craig Thompson, un de mes auteurs favoris. La fantaisie de ces dessins entremêlés s'associe parfaitement au dynamisme du groupe, et le concert parisien d'octobre dernier a dû être une expérience superbe : les musiciens dans leur investissement puissant, et, au fond, Craig Tompson noircissant une large tenture de bonshommes hilares et biscornus.

2007/12/21

Jouer avec la lumière de la Rhür

15.12.2007 - Landschaftspark - Duisburg Nord





16.12.2007 - Tower and Altstad - Düsseldorf



n°10 - Simian Mobile Disco, esthétique pop

N°10

Paysages de campagne désolée dans un probable pays de l'Est, des silhouettes et des figures regardent immobiles la caméra, moustaches, cheveux courts, jogging aux couleurs vives. Et au bout de plusieurs plans purement descriptifs, enchaînement d'images pour une peinture du lieu, un jeune homme ouvre doucement la bouche, cheveux très courts, assis sur le lit au milieu de sa famille. L'exploration se poursuivra dans un doux glissement, avec le regard impassible de ce chanteur de la caméra, répétant les quelques mots qui forment les paroles, I believe You could be What I need To believe.

L'assemblage s'avère plutôt fin pour une chanson aussi simple et directe, une chanson pour danser délicatement, et l'assemblage de ces paysages ruraux et du synthé basique dégage une atmosphère troublante. Musique et parti pris fournissent un témoignage juste d'une situation contemporaine, et même si l'idée n'est pas extrêmement originale, elle s'écoule agréablement, et symbolise une certaine exigence esthétique des Simian Mobile Disco.

Le terme exigence esthétique est certainement excessif, mais les Simian Mobile Disco ont peu à peu fait preuve d'une cohérence sympathique, qui, sans jamais se prendre trop au sérieux, me semble entrer en résonance avec divers états d'esprit d'actuels. Des étudiants en art diront que la composante artistique est maigre et sans génie, et pourtant, dans un cadre pop, leur petit univers flotte rafraîchissant.

Un univers où les groupes portent des noms composés, assument leur projet dansant, où les albums eux aussi doivent s'afficher beaux, sans se perdre dans une banale pochette à dessin : un fond herbeux et les quatre verbes qui composent le titre de l'album "ATTACK DECAYSUSTAIN RELEASE", mystérieux mais percutants par le rythme bref et légèrement déséquilibré. Un égrènement tout aussi déséquilibré qui soutient leur premier tube "It's thebeat", où cliquettent des détonations électroniques séparées, où le chant adopte un tempo distant et hypnotique, un monde au noir et blanc binaire et instable, comme une vieille pélicule moderne.

Mais c'est le duo de vidéos proposées pour le morceau "Hustler" qui symbolise leur approche. Dans la dernière version, des mannequins en maillot de bain prennent des poses provocantes sur une scène dénudée et intensément éclairée, entamant peu à peu une orgie de malbouffe, miel, pâte à tartiner, chantilly, glace, ingurgitée le plus salement possible. Flots de fluides au ralenti conclus par les vomissements colorés de ces probables anorexiques : vulgaire et sans grande finesse quant à la satire du paraître, mais assumé, fascinant.
Pourtant, la première version d'Hustler s'écoulait plus fascinante encore, longue galerie d'adolescentes désoeuvrées, assemblées dans un salon pour une partie de téléphone arabe dérapant progressivement en embrassades collectives. Les coupes, les maquillages, les regards et les couleurs glissent parfaitement actuelles, dans un scénario au mauvais goût franc mais digeste. Car les meilleures musiques pour danser s'invitent ainsi : sans finesse, vulgaires, mais sources de désir immédiat, synonymes d'une transe à l'oubli exaltant.

2007/12/20

Quel cinéma français peut-on voir en Allemagne ?

Portant un micro foulard autour du cou et un bleu de travail, Jean-Pierre Darroussin arrache de hautes herbes dans son potager avec une faucille, et se tourne vers Daniel Auteuil pour lui lancer une réplique en allemand. Et celui-ci lui répond sans aucune surprise dans la même langue grâce aux magies du doublage.

Voici la bande-annonce de "Dialog mit meinem Gärtner", présenté au Filmforum de Duisburg. "Dialogue avec mon jardinier" vient de sortir en Allemagne, et le Filmforum fait partie des quelques cinémas à le diffuser. Expérience surprenante de découvrir un doublage médiocre dans une langue que je ne maîtrise pas, particulièrement pour deux acteurs dont les intonnations sont connues des spectateurs français.

Tout au centre de Duisburg, entre l'une des brasseries les plus animées et un bar jeune et festif, le Filmforum propose une programmation plutôt pointue, particulièrement si on la compare à celles des multiplexes qui constituent la majorité du paysage ciné dans cette région. Chaque mois, au Filmforum, on peut voir un film en VO turque, un en VO française, un VO anglaise, et régulièrement une petite VO espagnole, aussi. La programmation en allemand comporte également de nombreux films étrangers, et tout particulièrement français.

Ainsi, j'ai profité de la séance "Cinéma en français" hier soir pour aller voir "Ensemble c'est tout". Ce film ne m'avait pas tenté à sa sortie française, et il ne m'a pas particulièrement emballé, mais l'expérience a été plutôt amusant. Pour la bande-annonce déjà évoquée, mais aussi pour le plaisir de suivre quelques sous-titres allemands passant sous les silhouettes d'Audrey Tautou et de Guillaume Canet. Schön.

Expérience amusante, donc, et à renouveler certainement, mais un bémol concerne tout de même la programmation de ces films français. Les diffuseurs allemands semblent éviter les gros blockbusters lourdingues à la "Brice de Nice", mais, sans surprise, on peut craindre qu'ils ne piochent pas trop dans le catalogue plus auteur, ni dans celui des jeunes réalisateurs. Difficile de juger sur deux mois de programmation, mais il faudra certainement se contenter de films avec de grosses têtes d'affiche, et s'astreindre à un régime sans Kechiche, Cécile Sciamma ou Christophe Honoré.

Ainsi, au Filmforum, en décembre et janvier, les films français diffusés au Filmforum sont :

  • "Persepolis"
  • "La fille coupée en deux"
  • "Dialogue avec mon jardinier"
  • "La vie en rose"
  • "Ensemble c'est tout"
  • "Odette Toutlemonde"
  • "Désaccord parfait"
Seuls "La fille coupée en deux" et "Persépolis" me tentaient vraiment en France, et "Désaccord parfait" m'a l'air d'un joli nanard... On peut surtout constater l'omniprésence de grands noms français, Frot, Darroussin, Auteuil, Depardieu, Cotillard, Canet, Tautou, Rocheford, Rampling, Sagnier, reflets d'une faible prise de risque à l'export.

Mais surtout, on peut y voir une certaine vision de la France. Les paysages campagnards aperçus dans "Dialog mit meinem Gärtner" avaient déjà semé le trouble, un possible syndrome "A year in Provence" : la France, pays des 2CV dans la campagne, de la bonne bouffe, d'une bonne vieille tradition rurale. Et "Ensemble c'est tout" n'a pas dissipé cette crainte, avec son enchaînement de clichés et d'images so French : hop, un week-end à la campagne pour tuer le cochon, et re-hop, voici mémé avec ses chats dans son grand jardin, et paf, en bonus, on mange une crêpe à la Coupole boulevard Montparnasse, oh, et j'allais oublier, la femme de ménage réunionnaise a tellement de gouaille. Soyons honnête, le divertissement n'est pas désagréable, mais plutôt facile et conventionnelle dans l'image véhiculée.

Ce qui est tout de même dommage pour un film présenté à l'étranger. Enquête à suivre !

ADDENDUM :
Un petit coup d'oeil sur le box-office allemand sur l'année 2007 : "Ensemble c'est tout" est classé à une belle 27ème place, derrière 23 films américains et 3 films allemands seulement. "La vie en rose" apparaît en 42ème position...