2007/11/26

La French Touch a donné de belles vidéos

Une des mes hantises musicales, c'est de passer à côté de mon époque. Un jour, j'ai imaginé la chance qu'il y avait à vivre à l'époque des Beatles, et j'ai réalisé que je ne pouvais pas citer un seul titre récent. C'était vers 1998, et je me suis mis à écouter la radio après ce constat. Mais bon, pas forcément tout de suite les radios les plus intéressantes, hélas, et je suis plutôt passé à côté de la French Touch de l'époque. Il m'a donc fallu faire quelques séances de rattrapage auprès de Doc Nick. Salut Doc, vous allez donc nous parler de la French Touch aujourd'hui.

Hé oui, mais rapidement. Je dois boucler quelques articles importants, dont un compte-rendu du concert de Air au Zénith. Une soirée riche, avec les grèves pour toile de fond, ça devrait donner un joli papier. Alors je vais me contenter de quelques liens vidéos sympas.

Je me souviens très bien d'une vidéo d'Etienne de Crécy. Je l'avais vue au Parc des Princes à la mi-temps d'un match, elle venait de recevoir la Victoire de la Musique.

Une superbe vidéo, qui n'a pas vieilli. Un classique, au même niveau que les premières des Daft Punk. La magnifique "Around the world" de Michel Gondry, et "Da funk", plus subtile, mais splendide. On a là deux axes des vidéos French Touch : la vidéo ultra stylisée, moderne comme la musique électronique, et de l'autre côté, le petit court-métrage scénarisé, naturaliste avec un peu de fantaisie. Dans cette dernière catégorie, on peut placer "All I need" d'Air, tiré de Moon Safari, un de ces albums de la liste des "meilleurs disques sur lesquels faire l'amour".

J'aimerais bien trouver cette liste, par curiosité.

On verra pour une prochaine fois, ne nous dispersons pas. Pour rester dans les vidéos douces, on peut bien entendu se pencher sur Kid Loco, une French Touch plus trip-hop, moins dance floor. L'envoûtant "She's my lover" est presque égalité avec "Love me sweet", qui reste l'un de mes singles préférés de tous les temps. Un peu dans le même genre, on trouve St Germain avec son dessin animé pour "So Flute", et Dimitri from Paris, avec ses petits samples de voix cinéma, ses mélodies sixties, ses clips au diapason : "Sacré français", c'est un beau slogan pour cette époque où les DJs français se retrouvaient single of the week du NME !

Toutes ces vidéos sont exquises, mais ne ressemblent pas aux bombes dancefloor de ma French Touch idéalisée...

Il faut de tout pour faire un genre. De petites perles fines, et de grosses locomotives. Impossible de ne pas citer "Flat Beat" et la fumette de saucisse montée par Mr Oizo, vendant près d'un million de singles, il me semble. Avec l'aide d'une marque de jeans, c'est vrai, mais on voit ici une facette plus délirante de la French Touch, certainement pas innocente dans le succès associé. Comment ne pas tomber amoureux du super-héros Cassius enlevé par les majors du disque dans "Feeling for you" ? Un super-héros né d'un soda tombé sur une chaîne hi-fi et qui se change dans des toilettes de chantier, c'est exquis. Et quels mélodies simples et entêtantes, comme pour "Le Mobilier" de "Rinôçérôse" ? Allez, gardons quelques vidéos de côté pour une autre fois, c'est tellement bon !

2007/11/23

Un auteur américain en visite à Rueil

- Vous connaissez tous ça, ce n'est pas propre au monde de l'édition, la vie tient beaucoup à des choses presque imprévisibles. Pas le hasard, parce qu'il n'y a pas de hasard. Vous savez comme les choses dépendent souvent de relations. Il se trouve que j'ai été mis en relation avec Dinaw par son agent. Les écrivains aux Etats-Unis sont rattachés à des agents, pas uniquement pour des raisons de promotions, mais pour tout un suivi au cours de la phase de rédaction. Comme peut le faire un éditeur en France.

Cette douce excitation d'un rejoindre pour la première fois un petit monde culturel, une figure imposée agréablement élitiste, une séance de dédicace. Ce vendredi, l'auteur américain Dinaw Mengestu s'est déplacé à la librairie Dédicaces de Rueil, pour présenter son premier livre, Les belles choses que portent le ciel. Accompagné de son éditeur, introduisant l'auteur en début de présentation.

- J'étais donc en relation avec cet agent littéraire newyorkais, P.J. Clark, avec qui j'avais conclu un contrat pour un jeune auteur américain d'origine japonaise. La traduction est en cours, le livre doit paraître à l'automne prochain. Et donc P.J. Clark me parle de ce jeune auteur d'origine éthiopienne, dont il veut me présenter le premier manuscrit en cours de finalisation. Je me suis plongé dans la lecture, et j'ai trouvé le manuscrit très fort, d'une étonnante maturité pour un auteur aussi jeune. En fait, son agent m'a ensuite fait parvenir une deuxième version, que j'ai lue durant mes vacances. Je m'en souviens car j'étais en vacances dans le Massif Centrale, dans ces zones où les portables ne captent pas. J'ai lu cette deuxième version du manuscrit, et j'ai été bluffé par le travail, par l'évolution, la structure très complexe qu'avait prise l'histoire. Je me revois appelant New York depuis une cabine téléphonique, pour obtenir les droits français. C'était à l'été 2006. Et ensuite, à la Foire de Francfort, à l'automne, le livre a été un succès, traduit dans plus dix langues, il me semble.

Je pourrais retranscrire d'autres détails, la jolie carrière de ces Jolies choses que portent le ciel se prête à une beau discours introductif. La sortie américaine en mars, les excellentes critiques dans les plus grands journaux US, et maintenant les différents papiers dans les références françaises, Le Monde, Les Inrocks, et même les prix, prix Fémina Etranger 2007. Marchant dans les rues rueilloises à 19h, en direction de la librairie, je me retrouve derrière l'auteur et son éditeur, téléphone à l'oreille : "Oh, et sur le trajet, on vient de recevoir une excellente nouvelle, le livre fait partie de la liste des 20 meilleurs livres de l'année, liste du magazine Lire". C'est même un jury Lire - L'Express - RTL, avec remise du prix mercredi prochain.

Amusantes, ces caractéristiques de l'édition française. Mais très amusant aussi, le cadre de la librairie qui accueille cette petite réunion littéraire à l'échelle rueilloise. En pénétrant dans les lieux à 19h, on découvre trois rangées de chaises pliantes en deux colonnes, chaises plastifiées aux couleurs beige et bleu claire, disposées à la place des présentoirs habituels. Ceux-ci sont regroupés au fond, collés les uns aux autres dans la moitié 115 m2 d'espace, et ils ne comprennent qu'une toute petite réserve. De grosses lampes rondes et blanches pendent du plafond, basses, éclairant habituellement les ouvrages au plus près, et caressant ici de les quelques chevelures présentes à 19h. Les quatre libraires, l'auteur, l'éditeur, trois ou quatre spectateurs pour l'instant.

Les quatre figures de la librairie me sont familières maintenant après six mois d'abonnement. Le libraire souriant, cheveux poivres et sel sur chemise à carreaux marron, suçotant parfois la branche de ses lunettes en écoutant les autres orateurs. La libraire expérimentée, quarante ans peut-être, à l'embonpoint léger de ceux qui ont passé beaucoup de temps à lire ces dernières années. Le jeune libraire, encore étudiant récemment, montures épaisses et noires des lunettes carrées, généreuse chevelure châtain sur bouc, chemise élégante gros foncé. Et l'apprentie, Emilie, éternel jean bleu, joues rondes et rosées, frange minimale, coupe de cheveux maladroite au point d'avoir l'air faite exprès, et sa voix toute murmurante. Ils reçoivent dans leur domaine, ils sont contents, ils accueillent sourire aux lèvres.

- Alors, vous l'avez lu ?
- Hélas, non. En fait, je voudrais le lire en anglais, et comme je ne pensais pas pouvoir être présent ce soir, je ne me sentais pas pressé, je ne l'avais pas encore acheté. Et puis mon départ en Allemagne a été retardé, je me suis décidé à venir écouter Dinaw Mengestu il y a juste une semaine. Je l'ai cherché sans succès à Gibert samedi dernier...
Le libraire consulte sa base internationale. Il peut le commander pour dans deux semaines, mais c'est trop court, je serai duisburger. Je le chercherai à Paris, il sera bien chez WHSmith.

Quelques personnes arrivent peu à peu, achètent le livre à l'étrange couverture orange et aux tâches bizarres d'Albin Michel. Allez, allons-y, et les gens prendront la présentation en cours.

L'éditeur a raconté sa découverte, évoqué son goût pour ce livre, pour sa justesse, décrit certains aspects de l'histoire, quelques axes narratifs. Et il a laissé parler l'auteur, en anglais, traduisant ensuite ses longues tirades pour l'auditoire. Ils ont beaucoup parlé du livre, oui, même lu quatre longs passages, comprenant d'ailleurs la dernière page. Mais l'auteur a surtout raconté son parcours, l'histoire du livre, et ce cheminement joue beaucoup pour la force de séduction du livre, générant une confiance quant à sa justesse.

Dinaw Mengestu est né en Ethiopie en 1978, à Addis-Abeba, soit quatre ans après la révolution qui a renversé l'empereur Hailé Sélassié. Son père a fui peu avant sa naissance, atteignant l'Italie, puis les Etats-Unis. Dinaw et le reste de sa famille l'ont rejoint en 1982, s'installant dans une petite ville du Midwest, qui n'avait certainement jamais vu d'éthiopiens auparavant. Dinaw a plus tard gagné Chicago, puis Washington DC pour étudier à l'université de Georgetown.

DC, accueillant une large communauté éthiopienne, ce qui confronte Dinaw avec le quotidien de ses compatriotes exilés éthiopiens. Cela le pousse à s'interroger sur la vie de cette communauté, sur ses sentiments face à l'exil, et il questionne ainsi peu à peu ses proches sur leur histoire, sur la réalité de la situation en éthiopie à la fin des années 70. Dinaw Mengestu compte alors en tirer un livre de récit réel, une non-fiction, et il s'attelle à la tâche pendant environ deux ans. Sans savoir trop comment rassembler toutes les pistes narratives en une unique histoire cohérente. Il déménage alors à New York, continuant à songer à son projet, puis revient à Washington après quelques années. Un jour, marchant dans DC, il aperçoit un petit épicier éthiopien devant sa boutique, s'interroge intérieurement sur son parcours, et le destin possible de cet épicier se met peu à peu à cristalliser tous les témoignages accumulés depuis des années. C'est la solution à ses recherches littéraires, créer une fiction habile permettant d'intégrer les réalités collectées, et c'est ce qui deviendra Les belles choses que portent le ciel.

Je ne vais pas évoquer trop en détails les aspects du livres évoquées par les différents orateurs. Le livre semble habilement construit, mettant en présence des figures fortes, trois amis émigrés dans différentes situations, leur impossibilité de recréer totalement un foyer en exil, les fêlures invisibles, quel que soit le niveau de réussite matérielle, leur confrontation avec l'Amérique blanche quand celle-ci investit des quartiers modestes en phase de gentrification. La description de ces figures semble subtile et juste, les tons et voix des personnages apparemment parfaitement ciselés. Des qualités qui m'ont fait songé à L'histoire de l'amour, de Nicole Krauss, autre jolie histoire de déracinés aux Etats-Unis, juifs polonais cette fois. J'espère être autant enthousiaste dans ma prochaine lecture des Belles choses pour l'Histoire de l'amour.

Mais mon enthousiasme pour cette soirée à la librairie Dédicaces ne provient pas uniquement de la découverte littéraire, satisfaction de trouver un livre prometteur. Pas uniquement. La mise en scène de cette présentation m'a semblé superbe, magnifique collection de petits détails adorables et pittoresques, ces pépites discrètes qui rendent si séduisants les salons et manifestations littéraires. Les chaises pliantes bien sûr, passées au retardataires pendant que l'auteur évoque la révolution éthiopienne, ou la différence entre african american et african in America. Les murs couverts de livres tout autour de la pièce, juste derrière les orateurs, aussi, bien sûr, et le regard s'arrête soudain sur des couvertures à la droite de l'éditeur expérimenté, gros titre jaune d'un livre sur Sébastien Chaballe ou ouvrage sur le tissus au XXème siècle. Cinq minutes auparavant, le pull de cet employé honorable d'Albin Michel glissait du dossier, et il le projetait sur une pile de livres sans même interrompre sa traduction. Et enfin, les gobelets en plastique du petit pot final, remplis de vin rouge à côté d'une assiette de saucisson que gardent les libraires expérimentés. Pendant ce temps, Emilie l'apprentie écoule à la pelle de larges stocks des Belles choses que portent le ciel, et Dinaw Mengestu les signes à l'autre bout de la pièce.

C'est avec impatience que j'attends donc la venue à Dédicaces de Pascal Quignard, vendredi 29 novembre, pour son livre "La nuit sexuelle". Même si le libraire à bouc m'a présenté l'ouvrage comme moins convaincant que "Le sexe et l'effroi" du même Quignard. Mais il y aura certainement une projection d'oeuvres commentées par l'auteur, et peut-être trouverai-je alors le courage d'aller discuter avec lui, même pour un sujet futile. Car souvent, les choix de livres qu'on lit tiennent à peu de chose. Ce soir, je n'ai pas osé parler à Dinaw Mengestu de mon séjour à Washington DC, et du restaurant éthiopien où nous avions dîné sans finir les plats trops épicés pour nous.

23/11/2007 19h - Librairie Dédicaces, Rueil-Malmaison

2007/11/22

This is England, film social, identitaire, rétrospectif : déja pas mal !

- Oh, c'est dingue, je regardais ça dans les années 80. Quand j'étais gosse, en Angleterre. Oh, et puis ça aussi.

Des images télé défilent sur l'écran, zapping britannique des années 80 en guise de générique. Mon collègue anglais est sous le charme. Les Inrocks ont décrit ce zapping comme la seule partie intéressante du film. Exquis et excessif comme savent l'être les Inrocks, mais force est de constater que ce "This is England" laisse un peu sur sa faim.

Shaun, gamin à la bouille rousse d'anglais, fricotte avec d'inoffensifs skinheads. Autant passer du côté des excentriques stylés, plutôt que subir les moqueries continuelles des camarades d'écoles. Rasons la tête, chaussons les Doc Martens dessous les hauts ourlets des pantalons, la chemise à carreaux, les bretelles rouges, et hop, parés par casser quelques vitres dans des maisons abandonnées, boire des chocolats au bar du coin, embrasser une fille bien plus âgée, tellement mignonne avec son maquillage intégrale. Embrasser sur la bouche ! Woody, Milky, Gadgie et les autres, on est jeune et ça fait une famille, surtout quand le père est mort aux Mallouines (mais chut, ça fait mal d'en parler).

Bien entendu, les bons skinheads tombent finalement sur les méchants, le vieux copain sorti de prison, déstabilise par toutes les frustrations, le chômage, l'amour non partagé par la copine d'un soir, avec toute la violence à fleur de peau. Tous ne suivent pas l'appel de l'aîné à la guerre dans l'ombre du National Front, mais quelques uns suivent, l'obèse complexé, le gros barbu tatoué, et le plus jeune, car il faut un film.

Je songeais à parler d'un enchaînement incontrôlé de bruit et de fureur, cette belle expression shakespearienne en guise de beau titre faulkenerien. Hélas, la trame très égale de notre petit film anglais glisse beaucoup trop prévisible. Point vraiment d'escalade, un peu de violence sans surprise, sans vraie passion, sans trop d'enjeux entre des personnages, dont les tensions apparaissent à peine, ou tellement convenues qu'elles s'effacent dès proposées, qu'on n'y prête pas trop attention. Les noeuds de l'intrigue sont limpides, la rencontre, le discours du chef raciste, l'attaque du Paki, la bastonnade du noir, les paroles de la mère un peu faible. Pas désagréables, ces petits événements, mais nullement assumés dans leur caractère artificiel et théâtrale : la scène qu'il faut, techniquement, dans l'installation de l'histoire, pourquoi pas, mais autant jouer avec les codes, les grossir, les contourner, et pas seulement les interpréter proprement en élèves appliqués. Quand, dans "My own private Idaho", le vieux patriarche rejoint ses troupes de jeunes délinquants, il le fait sur le ton de tirades directement extraites de Shakespeare, propos de Falstaff, assurément, déclamés dans le théâtre d'une friche industrielle rouillée. Utilitaire, parfaitement stylisé, la classe.

C'est bien une certaine classe cinématographique qui manque à ce "This is England" plutôt sympathique. Un honnête film social, sans génie, sans trop de mordant, et mon collègue anglais m'a glissé en sortant : "Qu'est-ce qu'aurait pu donner un tel sujet, au main d'un Ken Loach ?" Les gamins de "Sweet sixteen Jack, poing brandi au coeur de la boue d'un festival face au set " sont incompréhensibles dans leur accent épais, mais vivants, figures perdues dans le gris humide de la pauvreté anglaise. Beaucoup plus justes,aurais-je envie de dire, même si ce n'est pas certain, mais assurément plus poignants, un film plus vaste. Ce "This is england" décrit assez bien cette Angleterre prolétaire fière de ses couleurs, celle qui brandit le drapeau en chantant Swing Low, Sweet Chariot à Twickenham, ou ressort l'Uniond'Oasis ou de Babyshamble. Mais finalement, peinture assez unidimensionnelle : la rue, la galère, and what else ?

Que sont devenus les strip-tease ou les leçons de danse qui donnaient de l'épaisseur à "BillyElliott" et "The Full Monthy" ? Les battles rap d'"8 Mile" ? On est loin de la richesse de mise en scène des frères Dardennes, laissant la caméra pénétrer au plus près des personnages, quand les plans les plus osés de "This is England" se résument à un zoom arrière ou à simuler gauchement un film amateur. Le parti pris est clairement moins extrême que dans "La Haine" et son noir et blanc sec, les personnages moins riches et variés que dans le polar social "La raison du plus faible". Et l'écriture tellement moins fascinante que dans "L'esquive", où le parler des cités du 9-3 entrait en collision avec les paroles de Marivaux, les rapports théâtraux dans les grands ensembles délicatement présentés, schéma équilibrant improvisation et maîtrise.

Une reconstitution, pas beaucoup plus.

Mais il se dégage une euphorie certaine à voir évoluer ces jeunes aux looks si bien reconstitués, les Doc Martens, les petits chapeaux, les filles aux cheveux rasés sur le dessus et aux longues mèches dans les yeux, le maquillage néo-romantique violet jusque sur les joues. L'euphorie de se retrouver vingt ans plus tôt, et on peut alors rapprocher "This is England" de "Good Bye Lenin! " et "La vie des autres" : des équivalents allemands, plongées à l'Est à la fin des années 80, et qui devaient beaucoup de leur charme à leur parfaite reconstitution stylistique. Attirer par son look, charmer, voici des recettes sûres au cinéma ces dernières années. Et "This isEngland", en grossissant le trait, tient souvent du très beau clip sur grand écran, avec sa musique d'époque, entre le ska des Dexy Midnight Runners et le punk bête et commercial des Sham 69.

Et, par delà les réserves artistiques au sujet de cette approche tout en apparences, je n'ai pu m'empêcher de rechercher un film français équivalent, traitant des années 80. Pas vraiment de grands succès récents pour des reconstitutions des années 70 ou 80. On a bien eu "L'ivresse du pouvoir" sur l'affaire Elf, "Le dernier gang" sur le gang des postiches, "L'ennemi intime Poulain des années 80, où l'on s'en irait à la marche "Touche pas à mon pote" en écoutant " sur la guerre d'Algérie. Pas vraiment de film entraînant l'adhésion du public, pas vraiment d'AmélieIndochine ou Téléphone.

Les reconstitutions à gros budget en France me semble plus bloquées sur un certain âge d'or, une certaine idée de la France. Les magazines nous ont servi des longues plâtrées de Piaf pour "La môme", l'école de la République des années 50 a été chantée par les "Choristes", PatrickBruel a sorti les costumes 2ème Guerre Mondiale pour "Un secret", et tout dernièrement, le remake du "Deuxième souffle" s'est englué dans une esthétique passéiste du polar 60s. Une molle adaptation du "Grand Meaulnes" a même été tentée. C'est la France du bon vieux temps, la France du c'était mieux avant, cette France bon enfant et proche du peuple que j'aimais appeler la France de Raffarin.

On trouve des reconstitutions malignes dans "Les amants réguliers", où Mai 68 devient un théâtre d'ombre où les pavés volent dans le brouhaha imperceptible d'un chaos déjà désabusé. Et plus encore dans les loufoqueries fines des "Triplettes de Belleville", mémé au jazz manouche, et dans les dessins subtiles et simples de "Persepolis", où Chiara Mastroianni se force à chanter faux "Eyes of the Tiger". La finesse par la liberté du dessin, le style et l'approche équilibrée, et la réussite est bien là : "Persepolis" a été primé à Cannes, et postule à l'Oscar du meilleur film étranger.

2007/11/20

Apprenons un argot culturel : aujourd'hui "side-project"

Hier midi, une publicité s'écoule depuis l'autoradio, évoquant le meilleur FPS. "FPS ?" s'écrit le conducteur à mes côtés. Il s'agissait d'un jeu vidéo, un First Person Shooting, où la vision du joueur correspond au point de vue du personnage qu'il contrôle, dont on ne devine généralement que la main tenant une arme. Car il s'agit alors de viser les ennemis dans ces jeux de tirs à la première personne, recherchant l'immersion. Par delà le plaisir de décoder un sigle, cette anecdote m'a rappelé mon plaisir pour certains jargons vaguement techniques et dérisoires, ces mots partagés par une communauté souvent restreinte, ces argots qui apparaissent au fil des presses critiques spécialisées.

J'ai donc décidé de lancer une série de textes sur ce thème, afin d'évoquer quelques-uns de ces mots d'argot culturel. Mais je me voyais difficilement assurer seul une telle tâche, pour laquelle je ne pense pas avoir la plus grande légitimité. Je serai donc assisté des conseils érudits d'un spécialiste en la matière, vétéran de la presse culturelle, consommateur de musique, films, littérature, et plus encore des textes qui en font les critiques. Il s'agit de Doc Nick, souvent cassant, mais toujours enthousiaste. Avec le Doc, nous allons tenter d'établir de petits dialogues, sur le mode du presque candide interrogeant l'expert.

Expert, nous verrons bien. Disons que, généralement, je devrais retrouver assez d'exemples pour épuiser ta salive, cher Cathead.

Nous verrons bien. Aujourd'hui, je vous ai proposé, Doc Nick, d'évoquer le terme "side-project". La parution d'une nouvelle compilation de Gorillaz a fait resortir le terme dans la presse musicale, car, tout le monde le sait, ce groupe de personnage animés sert de couverture à Damon Albarn, le leader de Blur. Dans la musique, un side-project serait donc un projet mené en parallèle au groupe principal, et même wikipedia l'annonce...

Tout à fait, wikipedia est dans le vrai. Le side-project ne doit pas être confondu avec le projet solo, qui correspond souvent à une aventure suivant la séparation d'un groupe, comme pour les Beatles. Le side-project se déroule en parallèle, un pas de côté, et hop, tentons autre chose. Damon Albarn a lancé le groupe Gorillaz et ses personnages de manga pour quitter son image de champion Brit Pop, de bon songwritter à la musique assez classique. Blur, c'était des vignettes pop avec des guitares par-dessus, mais niveau exploration... Alors, il se cache derrière les dessins animés pour tripoter du hip-hop, pour bidouiller un peu d'électro avec de petits synthés. D'ailleurs, Damon Albarn a pas mal fait exploser la notion de side-project avec son récent disque "The Good, the Bad, and The Queen". Autres sonorités, autre groupe, c'est comme s'il créait un groupe et l'image associée en fonction de l'album auquel il aspire.

Comme un artiste fonctionnant par projet. Comme du théâtre sans troupe fixe, où les effectifs s'ajustent en fonction de la pièce jouée. Une démarche artistique séparée de la nécessité de former un groupe, une bande unie.

L'exemple de Damon Albarn est peut-être assez rare, mais c'est ainsi, en effet. Il est même difficile, en fait, pour lui de parler de side-project, dans la mesure où le terme implique une référence, un groupe central. Le groupe le plus connu, le side-project n'étant que ponctuel, temporaire. Mais Damon Albarn saute depuis quelques années d'un projet temporaire à un autre ! C'est un peu ce qui arrive à Spencer Krug, leader du groupe Wolf Parade, dont le projet solo Sunset Rubdown a pris de l'ampleur, a connu succès critique. Quel projet est le side de l'autre ? Le side-project, c'est un truc de journalistes rock fonctionnant sur la notion de groupe, des groupes à longues durées de vie, au milieu de laquelle, parfois, un membre éprouve le besoin de monter un petit quelque chose en parallèle. C'est presque péjoratif, gage de moins bien a priori, ce terme, comme une pochade passagère. Quand on voit les nombreux disques solos des membres de Sonic Youth, un tel montant une maison de disque, une autre sortant disques seules, et tous se retrouvant régulièrement pour de nouveaux albums. Un va et vient du collectif à l'individuel ou encore à d'autres associations, mais au sein d'une démarche cohérente.

Cette question de référence est en effet amusante. Une appartenance à un groupe comme un travail à un plein temps, et un side-project comme un hobby. Cela correspond vraiment à une logique de show business, non, de contrats, presque ?

Il y a un peu de ça, en effet. L'idée ne se pose pas aussi clairement dans le cinéma ou dans la littérature, certainement car l'idée de continuité est certainement moins évidente dans ces cas, moins associées à l'esprit du public. Bien entendu, si Agatha Christie avait écrit un essai d'ethnologie entre deux aventures d'Hercule Poirot, si J.K. Rowling avait fait paraître un livre de poésie entre deux aventures d'Harry Potter, il aurait été tentant de parler de side-project, de respiration par rapport à son projet artistique principale. Dans l'esprit du public, certains auteurs se trouvent classés dans des catégories, gestionnaires d'un style, d'un patrimoine simple, et tout écart avec leur gestion habituelle et prévisible s'apparenterait à un side-project.

Le side-project serait alors plutôt défini par la rupture dans l'oeuvre, une rupture véhiculée par un projet de moindre envergure.

D'une certaine manière, c'est une façon de voir les choses. Avec, là aussi, des limites assez subjectives, dans les conditions d'utilisation du terme. Prenons le cinéma de Gus Van Sant. Il réalise trois films indépendants au début des années 90, puis quatre grosses productions hollywoodiennes, selon un processus classique d'intégration des gros studios après reconnaissance critique. Mais depuis 2002, il a réalisé quatre films personnels aux moyens minuscules. Maintenant, on cite son nom pour de nouvelles productions hollywoodiennes pour 2008 et plus tard. Ses quatre films personnels étaient-ils une parenthèse dans sa "carrière officielle" ? Cela n'a aucun sens, c'est une évolution, différentes facettes, des aspirations variant au fil du temps. Parle-t-on de side-project quand un auteur comme Pierre Assouline tient un blog régulier ? La presse musicale est décidément bien amusante !

2007/11/18

Samedi de grève à La Défense

Samedi 17/11/2007, 15h20, gare RATP de La Défense et ligne 1 du métro

Une jeune fille noire, dix-huit ans, interroge quatre hommes vêtus de combinaisons bleu marine, cheveux courts, tête nu. En grandes lettres blanches, dans leur dos, "RATP SURETE", et le groupe parle devant les portillons d'entrée, en dessous d'un panneau suspendu au plafond, "Métro 1, Château de Vincennes". Les quatre passages sont libres, les doubles portes mécaniques aux bords caoutchoutés toutes ouvertes, malgré le signal sens interdit qui brille en rouge et blanc.

- Est-ce qu'on est obligé de prendre un autre ticket ?
- Non, mademoiselle, vous voyez, tout est ouvert avec la grève. Vous pouvez passer sans problème. Rassurez-vous, on ne vous dira rien.

Les quatre hommes en bleus et la jeune fille franchissent les portillons généreux, et dès le pied posé de l'autre côté, un des hommes en bleus s'écrit.

- Bon, mademoiselle, contrôle des titres de transport. Vous vous trouvez dans l'enceinte du métro, vous devez être en possession d'un titre de transport valide, mademoiselle. Hé oui, on est comme ça nous.

La jeune fille les regarde un seconde, interdite, fronce les sourcils, et les quatre hommes éclatent de rire, poursuivant leur chemin, détendus, descendant les deux bordées de marches vers le quai et la tête du train.

- Bah, faut bien s'amuser un peu, hein.

Le quai accueille une large foule, personnes assises sur les sièges au pied du mur, hommes et femmes debout sur deux rangs, trois rangées plus loin. Deux chiffres lumineux brillent en bleu sur le panneau suspendu au-dessus du quai, perpendiculaire à la voie. Prochain train : 3. Train suivant : 6.

Les chiffres diminuent, égrainés un à un jusqu'à ce que le "prochain train" se trouve à 0, sans qu'aucun changement ne se produise sur le quai. Seul l'homme en bleu le plus bavard, marchant toujours en tête, hausse le ton, et s'approche du bord du quai, agitant ses deux bras écartés

- Messieurs, dames, écartez-vous du quai, s'il vous plaît, le train va entrer en gare. Ecartez-vous s'il vous plaît.

Les rangs reculent, libérant un espace d'un mètre environ jusqu'au bord, espace vide même un bon pas derrière la ligne jaune tracé non loin du bord. Un homme tient un VTT noire sous le panneau "Train suivant", et l'homme en uniforme bleu marine s'approche de lui.

- Monsieur, vous ne pouvez pas monter avec ce vélo dans le train, c'est interdit. Surtout avec l'affluence. Vous n'êtes autorisé que dans les RER, dans certains wagons. Bon, sur quelques stations, ça ne gênera pas trop, surtout en partant du terminus. Calez vous bien sur le bord. Mais dès qu'il y a du monde, dans une ou deux stations, vous descendez. Compris ?

La rame longe lentement le quai, et les portes s'ouvrent, les gens s'engouffrent. Il reste un peu d'espace dans les parties près des portes où les personnes restent debout, sans être entassées. Le train démarre après une ou deux minutes, sort rapidement à ciel ouvert, emprunte le pont pour traverser la Seine. Station, ouverture des portes, le wagon se remplit, debout et entassés. Le vélo est placé tout contre la banquette, le pédalier frottant sur le strapontin replié, la poignée droite tapant parfois sur le flanc du dossier, et la roue avant réduit fortement le passage entre les deux sièges pour rejoindre la sortie.

Station suivante. Une femme assise juste devant le vélo, l'homme au sac à dos lui parle doucement.

- S'il vous plaît, pouvez sortir de l'autre côté, madame ? Merci beaucoup.

La dame sort de l'autre côté, et un dame au cheveu gris prend la suite sur la place assise. Elle se tourne vers l'homme au sac à dos.

- Hé bien, comment avez-vous réussi à rentrer ? On ne voit pas souvent de vélo, dans le métro.
- Je suis monté en début de ligne, madame. Je n'ai pas le choix. Je travaille à La Défense, et j'habite en banlieue Est. Je parcours toute la ligne 1, de toute façon il n'y a pas de RER A, toute la ligne 1 jusqu'au terminus. Puis j'ai une vingtaine de minutes de vélo. Pas le choix, il n'y a pas de bus.
- Vous avez bien du courage.
- Pas le choix, mais, bon, c'est la galère.

Crêpes et bolognaise pour une pendaison de crémaillère

17/11/2007 - Pendaison de crémaillère à Palaiseau


Spaghetti avec sauce bolognaise maison



Crêpes


2007/11/16

Ce n'est pas un retard, non, un léger décalage, alors

From: Cathead Le William-North <lewilliamnorth@gmail.com>
Date: 16nov. 2007 18:30
Subject: Ce n'est pas un retard, non, un léger décalage
To: Marie-Posa

Coucou Marie-Posa,

Enfin un petit message pour donner des nouvelles un peu plus claires. Et en prendre, bien sûr ?

Comment vont les choses, de ton côté ? J'imagine que tu dois être en pleins préparatifs maintenant, la date approche. Je te fais confiance pour avoir planifier au mieux ce petit déménagement, la date est fixée depuis un moment... Même si ça ne rend pas forcément les choses plus faciles... Enfin, ça occupe un peu l'esprit, ça change d'air, non ?

De mon côté, ma planification a légèrement vacillé au dernier moment. Comme je te l'ai dit rapidement il y a quelques jours, mon départ pour Duisburg est un peu retardé. Décalé, disons : il s'agit surtout d'organiser au mieux le travail qui doit être fait. C'est du moins la manière la plus professionnelle de présenter les choses, non ? Et on n'est pas à deux semaines près, comme on dit en thèse.

Tout de même, je suis un peu surpris de constater que cela ne me dérange pas plus que cela. L'an passé, c'est fou, j'étais concentré sur ce départ plusieurs semaines à l'avance, et honnêtement, je n'avais pas vraiment été très efficace pour le reste. Là, pof, on décale, et ça ne me fait ni chaud ni froid, ou à peine. Que de sagesse accumulée en douze mois, ma chère !

Ou certainement moins d'effet de surprise, d'aventure imprévue, j'ai un peu mieux vu la grande Allemagne de l'intérieure. Plus une terra incognita. A défaut de me plonger parfaitement dans la langue. Mais ne m'avais-tu pas promis quelques cours, ou de me vendre un DVD ? J'apprendrais encore un peu sur le tas, bitte und schön, SCHON, comme ils disent en regardant la Champion's League.

Et puis, l'un dans l'autre, il m'est difficile de ne pas sourire de mes petites planifications. Il me suffit de tourner la tête pour voir ma table basse surchargée d'affaires, accumulées là depuis une dizaine de jours pour mes bagages. Une liste à la Pérec, les quatre paquets de mouchoirs en papiers, la pile de livres, les trois magazines conservés depuis un mois pour lire dans l'avion, l'enveloppe contenant 9 photos de famille et amis pour égailler mon bureau, le paquet de bonbons suisses au plantes, en prévision du froid germanique. D'ailleurs, je vais tenter de résister à mon amour des listes et m'arrêter là : je comptais prendre une ou deux photos de cet assemblage, et les poster sur mon blog. "Kit de survie pour séjour en Allemagne". Et je ne vois pas pourquoi je ne le ferai pas dans dix jours, hein !

Ça m'a rappelé ton précédent déménagement depuis Paris. Tout un bric à brac qu'il faut transporter, et on s'attelle à la tâche concentré, mais en faisant un instant un pas de côté, ce mélange est superbe et amusant, non ? (je fais confiance à ton humour pour prendre le terme "bric à brac" à son juste degré) N'oublie pas de prendre des photos le week-end prochain, j'ai très envie de voir l'évolution...

D'ailleurs, je ne vais pas te déranger plus longtemps avec mon longues lignes électroniques, ce n'est pas ta priorité actuellement ! J'essaierai peut-être de t'appeler ce week-end, en essayant de ne pas tomber à un moment désagréable, juste pour un rapide coucou. Et avec le temps que je vais gagner dans le métro, rapide voudra bien dire rapide, je peux te l'assurer.

Courage, je pense bien à toi. Gros bisous,

Cathead

2007/11/12

Cheval de Troie musical avec des yeux verrons

Immense ciel bleu sur paysage tranquille,
ravi, joyeux,
tellement lumineux, autant à droite qu'à gauche,
une brise pour donner vie, sentir l'air
décalage, une jeune fille, une mèche dans les cheveux
et la peau si blanche et claire et égale
la peau joyeuse, crémeuse,
éclairée même par une musique pimpante,
légère et résonante.

Et si la publicité avait diffusée les paroles associées, j'aurais entendu

Je me souviens, je me rappelle
Une croix trop lourde pour moi
Un bois qui pèse et m'écartèle
Et pourtant je l'aimais, cette croix

Il est toujours amusant de regarder des publicités à l'étranger, et, de toute façon, aux Etats-Unis, allumer la télévision, c'est réveiller les pubs. En mai dernier, entre deux quarts-temps du match Suns - Lakers, j'ai eu la surprise de découvrir une pub cosmétique classique, soutenue par la légèreté mélodique de Daniel Darc. Vision incongrue, c'est un des derniers artistes français auquel j'aurais pensé voir pour une publicité, tout particulièrement à cause de la profonde mélancolie associée à ses textes.

Mais la télévision française ne nous avait-elle pas servie, elle, la mélodie de boîte à musique du "Sunday morning" du Velvet ? Pub de téléphonie, il me semble, en long et lent travelling paisible sur des immeubles, saturée de sérénité et de bien-être, la voix douce de Lou Reed murmurant à l'oreille "sunday morning"... Je ne crois pas que les paroles se poursuivaient plus loin dans le spot, pas "watch out, the world's behind you" ou de "there's always someone around you who will come". "Sunday morning", superbe chanson paranoïaque du dimanche matin, dès le réveil, le monde tout entier et ses menaces vagues se glisse derrière le dos du drogué.

Il serait facile de s'amuser des choix à courte vue des publicistes. Ma foi, une belle chanson, c'est une belle musique, alors, qu'importe. Il serait presque tentant d'envisager là une opportunité, une nouvelle approche pour la lecture de la chanson, comme un clip totalement déphasé par rapport au sens évident. Mais je n'ai pas l'impression que beaucoup de publicités puissent aspirer à de telles réussites artistiques. Il n'y a qu'à voir le traitement offert au magnifique "Heroes" de David Bowie : ne subsiste dans l'esprit que l'insistance sur "we could be heroes", et toute l'histoire de la chanson se voit effacée, cette évocation de deux amants séparés par le mur de Berlin, qui se retrouvent en cachette le soir. "We could be heroes, just for one day".

Les exemples de Daniel Darc et du Velvet m'ont surtout fait reprendre conscience de la force de ces chansons. Leur capacité à avancer masquée. De petits chevaux de Troie infiltrant leurs histoires biscornues grâce à la séduction purement musicale. Une poigne de fer dans un gant de velours, une double personnalité, des yeux que l'on découvre verrons quand on les fixe en face.

Je m'amuse donc depuis quelques temps à retrouver ces chevaux de Troie aux yeux verrons. S'il se dégage une plénitude de la tristesse totale d'Elliott Smith, de la cohérente morbidité de Joy Division ou de l'agressivité anarchistes des Sex Pystols, les chansons déguisées s'écoulent souvent fascinantes. N'est-il pas magnifique d'apprendre que le "Born in the USA" de Bruce Springsteen a été utilisée pour la campagne de Reagan ? Une telle chanson décrivant les états d'âme désabusés d'un vétéran du Vietnam ? Le Boss, c'est sûr.

Depuis quelques temps, je monte donc une petite liste de telles pièces rares. Je vais tenter de l'organiser, de la raffiner, car l'appel à l'aide speedé des Beatles n'a rien à voir avec les doudoudou des prostituées de Lou Reed, ou avec la comptine triste de Lio. Hé toi, dis-moi que tu m'aimes, même si c'est un mensonge, la vie est si triste, amoureux solitaires dans une ville morte, et n°3 au hit parade.

2007/11/11

Des romans monde pour peupler une chambre à Duisburg

Jouant avec des personnages, des situations, des lieux, un roman constitue la présentation d'un petit monde. Une grande part de la qualité d'un livre est même associée, d'une certaine manière, à la constitution de ce monde. Un bon livre aura su tisser un environnement cohérent, fonctionnant dans sa logique, et mettant en mouvement une série de figure qui auront pris vie. Et ce, pourrait-on dire, indépendamment du sujet lui-même, dans la mesure où ce monde joliment mis en scène sera toujours à même de s'avérer intéressant à la lecture.

Pourquoi alors ai-je envie de parler de "livres monde" ?

Considérant cette mise en scène d'un monde comme acquise, nécessaire à tout bon livre, je souhaite plutôt utiliser ici le mot monde pour évoquer l'échelle du théâtre présenté. Tout roman construit son petit monde, mais certains présentent surtout une poignée de personnages dans un environnement restreint, sur une centaine de pages à peine. Il faudrait alors plutôt parler de rue, de village, pour donner une bonne idée du monde établi pour le livre. Un gros plan sur le monde, dont il est souvent difficile de connaître les contours précis. On peut ainsi penser à certains des courts romans français que j'ai lus récemment, dont le largeur de vue n'embrasse pas grand chose de plus que le petit couple évoqué.

C'est bien entendu totalement différent pour certains gros pavés, les ambitieux projets qui manipulent toute une batterie de personnages, évoluant dans des lieux variés, sur une période s'étendant plusieurs années durant. Le monde créé peut regarder sa taille sur la toise posée au mur, et constaté son ampleur : oui, il n'est pas loin d'un monde à lui tout seul, au moins un roman pays.

Je ne me risquerais pas à juger l'ampleur de tous ces classiques que je n'ai pas encore lus, ces volumineux romans du XIXème siècle, par exemple, que je n'ai pas encore affrontés. Sans pour autant parler de certaines sagas de science-fiction étirées en tomes et volumes renouvelés, je peux évoquer, bien entendu, "Les Misérables", et sa cohorte de personnages évoluant tout au long du siècle, de l'enfance au mariage, sur deux générations. Il y a même bien plus de deux générations dans le Macondo de "Cien años de soledad", aux inventions incessantes, aux guerres révolutionnaires, industries bananières et ébats multiples. Véritablement de petits mondes à explorer longuement, comme les nombres univers, qui contiennent, par définition, tous les numéros de téléphone du monde.

Ainsi, de tels romans monde me paraissent tout particulièrement adéquats pour les lectures d'une expatriation de quelques mois. Quand le cinéma et le théâtre ne parlent pas la même langue que moi, que les concerts se font plus rares dans une ville industrielle allemande que dans la capitale française, qu'il y a moins d'amis avec qui discuter devant une salade landaise ou un verre de punch, la lecture se prête à de nouveaux rythmes, et peut affronter la longueur d'un monde avec plus de réussite. L'an passé, j'ai ainsi profité de mes deux mois à Duisburg pour goûter à Ulysses de James Joyce.

J'ai ainsi constitué quelques réserves en vue des cinq mois de mon retour à Duisburg. Bien entendu, il est un peu difficile de présumer de l'ampleur mondiale d'un livre avant sa lecture, mais ce club des cinq me paraît composé de jolis candidats.

  • Les Bienveillantes, Jonathan Littel, 2006, 903pages
    900 pages pour faire vivre l'ensemble de la Deuxième Guerre mondiale du point de vue des bourreaux.

  • What a carve up!, Jonathan Coe, 1995, 498pages
    Les années Thatcher présentées à travers l'histoire d'une famille huppée.

  • L'homme sans qualité, Tome 1, Robert Musil, 1931, 864pages
    Le livre monument de Robert Musil, multipliant hypothèses à travers de plusieurs personnages. Et ouvert comme le monde, car l'entreprise est restée inachevée au bout de ses presque 1600 pages...

  • Angels in America I & II, Tony Kushner, 1992, 304pages
    La pièce monument de Tony Kushner, évoquant les destins de plusieurs couples durant les années 80, au creux de la montée du sida. Six heures de pièces vues sur Avignon cet été, en polonais, et la lecture en américain devrait apporter une dimension supplémentaire à ce monde : la transcription de la langue orale, une grande force de la pièce, semble-t-il.

  • Gravity's rainbow, Thomas Pynchon, 1973, 784 pages
    Oeuvre comparée par son ampleur à l'Ulysses de Joyce, récompensée par le National Book Award et même d'un prix de "meilleur livre de la décennie". Profil idéal de roman monde, par conséquent, et je veux préserver une part de surprise pour sa lecture...

Encore une nuit d'ivresse à La Charette Créole

10/11/2007 - La Charette Créole, rue Jules Chaplain, Paris


Punch coco et punch tamarin


Cari thon


Espadon grillé

2007/11/10

Apéritif pour un futur Locas de qualité

J'ai déjà dit quelques mots sur Locas, la série de comics de Jaime Hernandez. Au moment de l'écriture de ce précédent billet, je n'avais exploré que quelques histoires de cette série.

Depuis, j'ai englouti d'une traite les 700 pages qui forment l'intégral de ces Locas, histoires évoquant deux adolescentes punk dans la communauté mexicaine californienne des années 80. Une exploration passionnante à bien des niveaux, véhiculée par le charme du dessin noir et blanc, la gestion de personnages sur les quinze ans de publication, la fantaisie des pistes narratives, la profondeur psychologique d'ensemble. Le "Prix du Patrimoine" attribué en 2006 au festival de BD d'Angoulême est parfaitement justifié, Locas constitue une oeuvre fascinante.

Je vais tenter prochainement d'évoquer les points qui m'ont séduit. Je ne me vois pas trop improviser quelques paragraphes en une demi heure, ce serait dommage. Je compte prendre mon temps pour trouver une approche satisfaisante.

En attendant, quelques photos pour vous mettre en appétit...

2007/11/04

Ces réalisateurs dont je vais voir plusieurs films

Cette semaine, je suis allé voir deux films du réalisateur Gus Van Sant, deux jours de suite. Le tout nouveau "Paranoid Park", et le classique "My own private Idaho", projeté à la cinémathèque. Gus Van Sant est un des mes réalisateurs préféré. Depuis l'envoutement de Elephant en 2003, j'ai vu tous ses films qui sont sortis en salle.

Deux films du même réalisateur en deux jours. Un pilier de mes goûts cinéphiles.
Je me suis demandé quels autres réalisateurs avaient une place équivalente dans mon rapport au cinéma. Quels sont les réalisateurs dont je vais voir régulièrement les films.

Le mieux était de réaliser une liste systématique. Sans distinction de période. Tous les réalisateurs dont j'ai vu plusieurs films.

Sans surprise, se sont donc détachés beaucoup de gros réalisateurs américains des années 90, portés par les films vus à l'adolescence, et tout particulièrement les responsables de longues séries. Pour réduire cet effet de loupe des blockbusters, plusieurs films d'une même série sont comptés pour un seul, par exemple Indiana Jones ou Batman. Exit ainsi Sam Raimi ou Peter Jackson.

Et pour ne pas défavoriser mes découvertes les plus récentes, j'ai décidé de mettre en valeur ceux dont j'ai vu "tous les derniers films". Apparaissent donc en italique ces réalisateurs dont j'ai vu au moins les deux dernières sorties, puisqu'ils sont amenés à occuper mon classement dans les prochaines années.

On retrouve donc ici un certain niveau zéro de la culture cinéphile récente, presque grand public. Les bons derniers films de Burton, Spielberg, Eastwood, Woody Allen, Almodovar. Quelques passages obligés de Kubrick, ou Hitchcock, histoire de donner l'impression de connaître un peu l'histoire du cinéma. Mais je n'insitsterai pas trop ici, puisque ce sont surtout mes manques qui me frappent, des non vus pourtant pas inaccessibles : quelle excuse pour ne pas avoir vu 2001, Psycho, Scareface, le Parrain ?

Et au milieu, des réalisateurs plus rares, ou découverts plus récemment, et pour certains d'entre eux, je suis assez fier d'avoir vu plusieurs de leurs films, comme pour Amenabar, Danielle Arbib ou même François Ozon.

Mais il reste pas mal de marge de progression !


  • 2 films (les 2 derniers sortis...)
    Danielle Arbib (Dans les champs de bataille, Un homme perdu)
    Olivier Asayas
    (Clean, Boarding gate)
    Michel Gondry
    (Eternal sunshine of the spotless mind, The science of sleep)
    Christophe Honoré
    (Dans Paris, Les chansons d'amour)
    et sauf problème, d'ici quelques mois...
    Wes Anderson (The aquatic life, The Darjeeling limited)
    David Cronenberg
    (A history of violence, Eastern promises)
    Todd Haynes
    (Far from heaven, I'm not there)

  • 3 films
    Sofia Copolla (Virgin Suicid, Lost in Translation, Marie-Antoinette)
    Black Edwards
    (Breakfast at Tiffany's, The Party, What did you do in the war, daddy ?)
    Night Shyamalan
    (The sixth sens, Unbreakable, The village)
    Martin Scorcese
    (Mean Street, Gangs of New York, The departed)

  • 4 films
    Pedro Almodovar
    (Tacones lejanos, Todo sobre mi madre, La mala educacion, Volver)
    Alejandro Amenabar
    (Tesis, Abre los ojos, The others, Mar adentro)
    Charlie Kaufman
    (SCENARISTE DE Being John Malkowitch, Adaptation, Confession of a dangerous mind, Eternal sunshine of the spotless mind)
    Quentin Tarantino
    (Pulp fiction, Jacky Brown, Kill Bill, Deathproof)
    David Fincher
    (Seven, The game, Fight club, Panic room)
    Alfred Hitchcock
    (Rear window, North by nortwest, Vertigo, The trouble with Harry)
    Jim Jarmusch
    (Night on Earth, Dead man, Ghost dog, Broken flowers)
    Stanley Kubrick
    (Dr Strangelove, A clowork orange, Barry Lyndon, Full metal jacket)
    Roman Polanski (Répulsion, Dance of the vampires, Death and the maiden, The pianist)

  • 5 films
    David Lynch (Dune, Blue velvet, Wild at heart, Mulholand drive, Inland Empire)
    François Ozon
    (Sitcom, Sous le sable, Huit femmes, Swimming-pool, Le temps qui reste)

  • 6 films
    Gus Van Sant (Mala noche, My own private Idaho, Gerry, Elephant, Last days, Paranoid park)
    Woody Allen
    (Bananas, Annie Hall, Manhattan, Small time crooks, The curse of the jade scorpion, Match point)
    Clint Eastwood
    (Firefox, Unforgiven, The bridge of Madison County, Space cowboy, Mystic river, Million dollar baby)
    Steven Spielberg
    (Indiana Jones, E.T., Hook, Jurassic Park, Minority report, Catch me if you can)

  • 8 films
    Tim Burton (Beetlejuice, Batman, Edward scissorhands, Ed Wood, Mars attacks!, Sleepy hollow, Big fish, Corpse bride)

2007/11/03

Et ils parlèrent de relativité restreintes autour d'une Bitburger

- Imagine un ballon. Tu traces une ligne au marqueur dessus, puis tu le gonfles. La ligne va s'agrandir quand la surface s'étire. Et pourtant, localement, au niveau de la matière, rien n'a changé, les grains de graphite restent liés au même point de la surface du ballon.

- C'est une question de mesure.

- Plus que de mesure. C'est lié au référentiel.

La serveuse apporte deux pizzas, qu'elle pose devant deux des verres de bière. Le dernier verre de Bit n'a droit qu'à la salière et à un pot de moutarde.

- Vous croyez qu'elle a oublié mon assiette de frite. Des frites, ça se cuit plus vite que des pizzas, non ? Elle doit m'en vouloir pour mon "Bitte ein Bit" du début. Mais revenons-en au référentiel. C'est simplement que localement, ce n'est plus le même temps, ce ne sont plus les mêmes longueurs. Ce n'est pas juste une question de mesure. Prenons deux règles étalons, de un mètre, en fait on s'en fiche, que ce soit un mètre. Elles font la même longueur, parfaitement identiques. Un type en prend une dans un train qui va très vite, à une vitesse proche de la vitesse de la lumière, et l'autre reste sur le quai. Juste au moment où le train passe, il tend la règle, et l'autre la brandit par la fenêtre du train. Celui qui est dehors verra celle du train plus grande. Et celui qui est dedans...

- C'est la matière qui a changé. Mais je ne comprends toujours pas quand tu utilises deux horloges dans un avion.

- Et celui qui est dedans voit la règle du dehors...

- Pour des horloges, ce n'est pas possible. Elles sont fabriquées de telle manière qu'elles mesurent toujours le même intervalle. Ça ne pas changer quand tu la mets dans l'avion.

- Il voit la règle plus...

- La mesure par l'horloge, c'est imposé à la fabrication de l'horloge. Ça dépend des réglages qui sont utilisés. Si tu prends une clepsydre. Non, pas une clepsydre, y'a des histoires de gravité, d'écoulement, ça ne va pas. Mais une montre mécanique. Elle mesurera toujours le même intervalle, je ne vois pas comment ça peut changer.

- Mais ça ne change pas. Elle mesure toujours le même temps. Localement. C'est juste le temps qui n'est plus le même.

- Je ne comprends pas, non, décidément. Ce n'est pas clair.

- C'est bête que je n'explique pas très bien, c'est vraiment limpide quand on pose les équations. C'est lié à l'espace. Comme on définit un espace, déjà ? Mais si on suit la démarche historique, c'est très clair. Je ne vais pas refaire tout l'historique, même si c'est tentant. Au point où on en est. Tout est venu de l'expérience de Michelson, de l'interféromètre. Un système pour mesurer la vitesse de la lumière, avec deux trajets, le faisceau initial séparé en deux, et qui reviennent ensuite, pour faire, normalement, des figures d'interférence. Parce que la lumière est une onde, ça fait comme ça.

Il fait des vaguelettes avec ses bras, mets les ondes de chaque bras en opposition de phase, c'est très sensuel, presque de la techtonik.

- Mais je ne vois pas pourquoi la lumière reviendrait en sens inverse.

- Heu, si, il y a des miroirs. Hé bien, ils ont mesuré dans toutes les directions, et ça ne changeait rien, il n'y avait pas de compostions des vitesses avec la vitesse de lumière. Tu connais la composition des vitesses ? Prenons un déplacement d'un point A à un point B. Hop. Par exemple de ce verre à celui-là. Et si on fait une étape intermédiaire avec ce troisième verre. C'est le même déplacement.

- Non, le trajet parcouru est plus long.

- Mais vectoriellement. En terme de départ et d'arrivée.

- Vous êtes toujours comme ça, les scientifiques, on ne sait pas de quoi vous parlez. Forcément, les gens sont perdus.

- Bref. Il n'y a pas de composition de la vitesse avec la vitesse de la lumière. C'est un maximum. Ça se voit très bien à partir des équations. La théorie des groupes...

- Ça non plus, je ne vois pas pourquoi la vitesse de la lumière, c'est un maximum. C'est juste dans notre univers, parce qu'on n'a rien observé de plus rapide. Mais rien ne dit que ce ne peut pas être différent ailleurs.

- Si, c'est purement mathématique. Ça se voit dans les équations. C'est dommage que j'ai perdu la brochure d'Irondale, je ne sais plus où je l'ai mise. La vitesse de la lumière ne change pas. Enfin elle ne change pas dans le vide, dans un milieu, ça peut être différent.

- Voilà, tout dépend encore de ce que tu appelles la vitesse de la lumière. Vous la définissez ainsi, et après vous dites, c'est maximum. Forcément, on ne suit plus, on ne sait pas de quoi vous parlez. Pas étonnant que les gens ne comprennent pas. C'est comme une conférence que j'avais vu à l'École Normale Supérieur, par un professeur de biologie, un ancien polytechnicien. Une conférence sur la mortalité. Je croyais que ce serait historique, et au début ça l'était, il examinait toutes la causes de mortalité à travers les siècles. Pas inintéressant, mais les autres chercheurs semblaient perplexes. Où se trouvait la recherche pour eux, et quand on lui a posé la question, sa réponse n'a convaincu personne. Parce que ça lui semblait évident, et il a dû réfléchir au point de vue du public, pour, finalement, expliquer qu'il cherchait à modéliser la mortalité. Avec 100 ou 150 paramètres.

- Un modèle comportemental plus que statistique ?

- C'est ça. Mais sa démarche lui semblait évidente, et il n'avait pas expliqué au début. Qu'il cherchait à prédire la mortalité en fonction des conditions de vie, du climat, du nombre d'heures de sommeil, du régime alimentaire, et tout.

- Enfin, avec autant de paramètre, on peut ajuster une simulation comme on veut. On ne comprend pas vraiment ce qui se passe. Comme avec le contrôle du coeur par pacemaker dont je parlais toute à l'heure.

- Et voilà, encore un point qui peut prêter à confusion. "On ne comprend pas". Les scientifiques disent tous ça, mais nous, on ne voit pas ce qu'ils veulent comprendre de plus. On connaît les paramètres du phénomènes, bah, on le comprend, non ?

- Pas vraiment. Pour le coeur, on sait par exemple que le rythme s'accélère quand il y a un effort. Il y a un stimulus électrique qui arrive, qui conduit à l'accélération. Mais on ne comprend pas le mécanisme qui entraîne le déclenchement de ce stimulus électrique. Enfin, si, plus ou moins, ce doit être hormonal. Mais on ne comprend pas comment toute cette chaîne se met en marche. Donc, l'un dans l'autre, on ne comprend pas.

- Voilà, je l'attendais, on ne comprend pas. Les gens comme moi ne comprennent pas ce qu'il y a à comprendre.

Je pense que le pauvre père peut faire une croix sur le dîner avec son fils : même avec une assiette de frites déjà terminée, il n'est pas près de rentrer chez lui.

01/11/2007 22h - Le Falstaff, place de la Bastille

2007/11/01

Les tubes pour mariage des années 2000

- Tu dois sortir beaucoup, dis donc, tu connais toutes les chansons !

Mariage le week-end dernier, dance floor alimenté en tubes, ce n'est pas le moment de jouer l'expérimentation. Alors nous avons majoritairement eu droit à des tubes des années 80, du costaud : une demi-douzaine de classiques de Michael Jackson, Depeche Mode, OMD, Soft Cell, The Clash versant Rock the Casbah, Téléphone...

Je ne crois pas avoir entendu de morceaux dépassant le milieu des années 90, période à laquelle nos mariés touchaient l'adolescence. Il semble douteux qu'ils aient écouté "Just can't get enough" à sa sortie, quand ils avaient 3 ans !

Cet engouement pour les années 80 tient bien entendu à une forme de mode récente, ayant réhabilité la vague new wave au synthétiseur, bien démodée dans les années 90. D'une certaine manière, peut-être peut-on y voir une entrée de ces morceaux dans la culture populaire, le fond commun d'airs partagés par tous. Comme l'ont fait plus tôt les tubes rock'n'roll des années 50 ou les gros hits disco des années 70. Une grammaire maîtrisée par beaucoup, des sonorités auxquelles on s'est habitué, et beaucoup peuvent se remémorer un souvenir lié à un des ces morceaux.
Forcément, vingt-cinq ans, cela donne du recul.

Alors, que pourrons-nous passer au mariage dans vingt-cinq ans, comme tubes des années 2000 ?

J'ai donc pensé à quelques critères : immédiateté du morceau, qui ne doit pas être trop difficile à apprivoiser par un public de mariage, des titres susceptibles d'avoir été entendus à la radio, et bien entendu, plutôt dansants.
Petite sélection en dix titres, liste partiale et forcément non exhaustive...

  • Louxor, j'adore - Philippe Katerine
    Dansant, en français, entendu partout, et terriblement amusant. Il devrait en être.

  • D.A.N.C.E. - Justice
    Nous sommes en 2007 et l'on nous a bien vendu Justice. Et D.A.N.C.E. n'est pas trop agressif.

  • One more time - Daft Punk
    S'il est une évidence des années 90, c'est bien les Daft Punk. Dans vingt-cinq ans, les parents des mariés auront peut-être arrêté leurs "ce que tu veux, pourvu que ce soit pas cette espèce de techno". Et "one more time", ça reste sobre.

  • J'ai pas vingt ans - Alizée vs Beni Benassi
    Pas d'un super goût musical, mais terriblement efficace. On n'est pas forcément hype dans un mariage, il faut que ça danse.

  • Hey Ya - Outkast
    Entendu sur toutes les radios en 2004, qu'elles soient rock, rap, dance. Voici un tube qu'il ferait plaisir d'entendre à un mariage, en rêvant d'y voir débarquer Andre 3000.

  • Clint Eastwood - Gorillaz
    Peut-être pas super facile à danser, mais assurément un tube des années 2000. Dare me semble plus dansant, mais me paraît moins connu : peut-être enchaîner les deux ?

  • Fit but you know it - The Streets
    Peut-être pas assez connu en France, pour un public de mariage. Mais le DJ a le droit de se faire plaisir, parfois, et Mike Skinner est une sacrée machine à single, ce riff basique devrait fonctionner auprès de toute la famille. Ou alors tenter le When you wasn't famous, la Macarena du rap anglais...

  • Take me out - Franz Ferdinand
    Du rock dansant, single n°1 de l'année 2004. Impossible de passer à côté.

  • Dance to the underground - Radio 4
    Les pionniers de ce rock qui regarde à nouveau vers Gangs of Four, du punk dansant. En espérant que la pub Coca-cola qui s'en est servi l'aura assez popularisé pour qu'il surgisse avant la pièce montée.

  • Seven nation army - The White Stripes
    Le gros tube des années 2000, années du retour du rock.