2007/09/30

Ces derniers temps, je lis de courts romans français des années 2000

Pour voir à quoi ressemblent les auteurs français contemporains.
Pour connaître un peu le paysage littéraire français, notre paysage.
Pour ne pas avoir l'impression de passer à côté,
et découvrir plus tard une pépite ignorée sur le moment
Pour, éventuellement, pouvoir dire à des amis étrangers : "Dans les auteurs français actuels, j'aime beaucoup XXXX".

Et pour picorer sur un spectre plus large...

J'ai lu récemment quelques romans français récents, de moins de 250 pages. Achetés en poche, empruntés à la bibliothèque, en étant sûr de le finir sur la période d'emprunts, toujours mon inquiétude silencieuse, dépasser la période de trois semaines.
Pas vraiment de logique de sélection, de planification, tout simplement piocher dans les noms entendus, les titres aperçus dans un supplément livre, les exemplaires sur les présentoirs.

C'est donc un panel non représentatif !
Voici tout de même quelques réflexions, une tentative de synthèse.
Au moins pour m'entraîner à tirer quelques conclusions.

La majorité de ces livres mettent en scène des couples, des histoires sentimentales, des instabilités de relation. Bien entendu, cela tient aussi à ma sélection personnelle, mais les aléas sentimentaux, les interrogations, les difficultés d'une relation semble un thème très écrit. Majoritairement dans un cadre bourgeois, voire parisien, parfois avec les beaux-parents, les parents, rien de bien original dans le schéma des protagonistes, on se trouve en terrain connu.

L'autre dénominateur commun de ma sélection relève du procédé d'énonciation, généralement sous forme de monologue d'un narrateur. Parfois la voix passe d'un personnage à un autre, mais le roman se construit majoritairement autour de voix, de réflexions, de pensées, d'un ton, sans vraiment jouer la variété, risquer des descriptions. Uniquement l'originalité de ce ou ces tons pour construire l'originalité du livre. Cette absence de jeu sur les couleurs narratives constitue souvent la limite de ces livres, même si le fait de s'être fixé à de courts romans peut expliquer ce monolithisme.

La plupart de ces lectures ont donc commencé par une phase de fascination, quant à l'idée originale présentée dans le livre, l'originalité du système, du point de vue, de l'approche. Une séduction réussi, poussant à tourner les pages.
Séduction à laquelle a souvent succédé un sentiment de déception, le livre ne trouvant pas de second souffle, ne tenant pas toutes ses promesses initiales, avec finalement moins d'ampleur qu'imaginée après une vingtaine de pages. Comme si toutes les cartes étaient posées tôt, comme si les deux cents pages n'étaient construites que sur une idée tenant en une vingtaine de pages, le reste du livre constituant uniquement un long passage obligé pour arriver sans surprise à la fin de l'histoire.

Peut-être est-ce une mauvaise habitude d'imaginer soi-même le développement d'un livre sans rester attentif à sa cohérence. Sans l'écouter lui-même.

Mais les livres qui m'ont le plus convaincu sont ceux qui présentent un spectre plutôt large. Une histoire à plusieurs facettes, ne se restreignant pas un schéma unique à dérouler. Laissant entrevoir le monde à côté de la petite histoire de couple. Glissant plusieurs histoires successives. Proposant des situations originales. Traçant une vraie évolution, pas une simple esquisse de changement d'une idée initiales.
Et surtout, mettant en oeuvre un style plaisant, pas simplement un musique orale sans variation, pour hystérique qu'elle puisse être, mais une musique dont les échos restent pertinents et dignes d'émerveillements.

Petite revue de détails.

  1. Fuir - Jean-Philippe Toussaint
    Les Éditions de Minuit, 2005, 186p
    Roman brillant et varié. L'écriture nette et envoûtante de Toussaint pour décrire un couple juste avant une rupture dont on ne verra rien, présenter un état au changement latent, en puissance. Et ce à l'aide d'un voyage dans la mafia chinoise, d'une communication par téléphone portable au musée du Louvre, d'un enterrement en Sicile, d'une baignade à la mer. Fascinant.

  2. Daewo - François Bon
    Le Livre de Poche, 2004, 240p
    Pas vraiment un roman, puisqu'il s'agit d'une enquête auprès des ouvrières licenciées par l'usine Daewo en Lorraine. Mais la variété des approches est impressionnante, entre les réflexions au jour le jour sur l'enquête, les descriptions du paysage industriel lorrain, et les longues témoignages oraux des ouvrières, magnifiquement reconstitués.

  3. Apprendre à finir - Laurent Mauvignier
    Les Editions de Minuit, 2000, 127p
    Un homme est à l'hôpital après un accident de voiture pour aller voir sa maîtresse. Schéma classique d'une séparation annoncées d'avec sa femme, narratrice du roman. Mais les évaluations de ses sentiments sont joliment rendus, l'emmenant de l'amour tendre pour le blessé à l'impossibilité de continuer ensemble une fois son rétablissement effectif. Suivre parfaitement les étapes qu'elle suit pour apprendre à finir.

  4. Nouvelles sur le sentiment amoureux - Christine Montalbetti
    P.O.L., 2007, 151p
    Recueil de 6 nouvelles sur les relations amoureuses qui auraient pu commencer, mais qu'on ne tente même pas, par timidité, par paresse, pour des raisons mystérieuses. Piéger l'instant où on devrait se décider, se lancer à l'eau et où, parfois, on n'agit pas. Certaines nouvelles ne fonctionnent pas très bien, mais la moitié est assez réussi. Tout particulièrement un premier rendez-vous sous forme de visite au zoo, où l'homme se perd dans des rêveries sur les animaux, où l'auteur glisse des remarques autobiographiques sans rapport.

  5. Les oubliés - Christian Gailly
    Les Éditions de Minuit, 2007, 140p
    Deux journalistes travaillent pour une rubrique sur les artistes oubliés, ceux qui ont connu leur heure de gloire et que l'on a perdu de vue. Ils ont un accident sur l'autoroute, apparemment sans gravité physique, rentrent en TGV, et l'un meurt dans les toilettes du train. On suit le survivant, l'annonce à la nouvelle veuve, le couple sans passion, le reportage qu'il souhaite terminer malgré tout. La langue de Christian Gailly possède une force assez mystérieuse, construite uniquement en phrases courtes avec un unique verbe, sans aucune virgule. Les dernières pages semblent moins intéressantes, mais le voyage littéraire est très plaisant à l'oreille.

  6. Anielka - François Taillandier
    Le Livre de Poche, 1999, 246p
    Anielka fait son amant d'un homme dont le caractère lui déplaît, mais dont elle se trouve mystérieusement fascinée. Une relation sans avenir, décrite comme telle dès le début, et dont on suit les étapes sans surprise. Les personnages sont très classiques, malgré quelques analyses plutôt justes. Mais le début du roman m'a fasciné, scotché. Un premier chapitre en analyse précise de la première rencontre entre Anielka et son futur amant, cherchant à démêler la répulsion, la fascination, le mystère entre ces deux pôles. Et un deuxième chapitre où le narrateur s'interroge "De quel droit puis-je vous parler de cette femme, essayer de raconter son histoire ?", comme si l'auteur interrogeait son droit à la mise en scène. La suite ne garde pas la même force de questionnement sur l'écriture romanesque, mais ce début m'a fait rêver.

  7. Asile de fous - Régis Jauffret
    Folio, 2005, 252p
    Un homme quitte sa femme, et tous les protagonistes prennent peu à peu la parole pour raconter, femme, homme, parents, dans un jeu de démence du langage. Là aussi, le procédé m'a paru s'essouffler un peu, succession ininterrompue de personnages aux émotions extrêmes, particulièrement dans les descriptions sans intérêts des affres du mari. Mais quelques passages fonctionnent très bien, particulièrement la scène de rupture initiale magnifique, originale, délirante, imprévue, folle.

  8. Le moral des ménages - Eric Reinhardt
    Stock, 2002, 222p
    Un auteur-compositeur sans succès raconte la misère morale de sa famille middle-class, ses échecs à construire sa vie. Le livre n'est qu'un long monologue du personnages, au ton rythmé, très efficace. Les descriptions sarcastiques de la famille bourgeoises sans envergue sont euphorisant, lus d'une traite, tressés de détails pittoresques des années 70. A partir des deux tiers, le narrateur évoque ses obsessions sexuelles, et le livre se fait moins intéressant, redressant légèrement la barre sur la fin, en tentant d'équilibrer le témoignages avec d'autres points de vue. Dommage, peut-être, que ce rééquilibrage n'ait pas été plus développé.

  9. Dernier amour - Christian Gailly
    Les Éditions de Minuit, 2004, 140p
    Un compositeur de musique contemporain assiste à la création de sa dernière oeuvre, huée, puis part attendre la conclusion de sa phase terminale dans la maison familiale au bord de la mer. Deux jours de voyage en regardant les dernières femmes rencontrées, en pensant à sa femme, pour un doux cheminement dans cette écriture musicale.

  10. L'inceste - Christine Angot
    Stock, 1999, 216p
    Christine Angot dans son numéro de récit intime, relation homosexuelle de quelques mois, de ses rapports avec un père incestueux. Difficile d'y trouver plus qu'un récit intime, dont les passages d'analyses avec recul semble parfois un peu légers en terme de contenu : ah, diagnostiquer ses problème psychiques en recopiant les définitions d'un dictionnaire de psychologie, c'est de la profondeur d'écriture. Mais par delà cette démarche parfois vaine, il persiste une énergie d'écriture peu commune, fascinante pour elle-même, presque sans en suivre la signification.

  11. La douceur - Christophe Honoré
    Point, 1999, 155p
    Deux adolescents commettent un crime au cours d'un séjour en colonie de vacances. Six ans après, la directrice du camp, le frère, le fils en parlent encore, dans des chapitres successifs de récits oraux. Le style est agréables, lu avec beaucoup de plaisir, mais plusieurs aspects du texte m'ont dérangé, particulièrement la violence, la fascination sexuelle des personnages qui ne m'a jamais vraiment touché, troublé, évoqué quelque chose. Et un ou deux raccords scénaristiques m'ont paru bien maladroits.

Critères de sélection des livres présentés :

  • Livres lus sur les 12 derniers mois
  • Auteurs français (ou publiant en français : Toussaint est belge)
  • Livres publiés dans les années 2000 (1999 a été pris en compte)
  • Livres de moins 250p

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