2007/12/21

n°10 - Simian Mobile Disco, esthétique pop

N°10

Paysages de campagne désolée dans un probable pays de l'Est, des silhouettes et des figures regardent immobiles la caméra, moustaches, cheveux courts, jogging aux couleurs vives. Et au bout de plusieurs plans purement descriptifs, enchaînement d'images pour une peinture du lieu, un jeune homme ouvre doucement la bouche, cheveux très courts, assis sur le lit au milieu de sa famille. L'exploration se poursuivra dans un doux glissement, avec le regard impassible de ce chanteur de la caméra, répétant les quelques mots qui forment les paroles, I believe You could be What I need To believe.

L'assemblage s'avère plutôt fin pour une chanson aussi simple et directe, une chanson pour danser délicatement, et l'assemblage de ces paysages ruraux et du synthé basique dégage une atmosphère troublante. Musique et parti pris fournissent un témoignage juste d'une situation contemporaine, et même si l'idée n'est pas extrêmement originale, elle s'écoule agréablement, et symbolise une certaine exigence esthétique des Simian Mobile Disco.

Le terme exigence esthétique est certainement excessif, mais les Simian Mobile Disco ont peu à peu fait preuve d'une cohérence sympathique, qui, sans jamais se prendre trop au sérieux, me semble entrer en résonance avec divers états d'esprit d'actuels. Des étudiants en art diront que la composante artistique est maigre et sans génie, et pourtant, dans un cadre pop, leur petit univers flotte rafraîchissant.

Un univers où les groupes portent des noms composés, assument leur projet dansant, où les albums eux aussi doivent s'afficher beaux, sans se perdre dans une banale pochette à dessin : un fond herbeux et les quatre verbes qui composent le titre de l'album "ATTACK DECAYSUSTAIN RELEASE", mystérieux mais percutants par le rythme bref et légèrement déséquilibré. Un égrènement tout aussi déséquilibré qui soutient leur premier tube "It's thebeat", où cliquettent des détonations électroniques séparées, où le chant adopte un tempo distant et hypnotique, un monde au noir et blanc binaire et instable, comme une vieille pélicule moderne.

Mais c'est le duo de vidéos proposées pour le morceau "Hustler" qui symbolise leur approche. Dans la dernière version, des mannequins en maillot de bain prennent des poses provocantes sur une scène dénudée et intensément éclairée, entamant peu à peu une orgie de malbouffe, miel, pâte à tartiner, chantilly, glace, ingurgitée le plus salement possible. Flots de fluides au ralenti conclus par les vomissements colorés de ces probables anorexiques : vulgaire et sans grande finesse quant à la satire du paraître, mais assumé, fascinant.
Pourtant, la première version d'Hustler s'écoulait plus fascinante encore, longue galerie d'adolescentes désoeuvrées, assemblées dans un salon pour une partie de téléphone arabe dérapant progressivement en embrassades collectives. Les coupes, les maquillages, les regards et les couleurs glissent parfaitement actuelles, dans un scénario au mauvais goût franc mais digeste. Car les meilleures musiques pour danser s'invitent ainsi : sans finesse, vulgaires, mais sources de désir immédiat, synonymes d'une transe à l'oubli exaltant.

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