2008/03/18

Le pays où les livres sont plus taxés que les cigarettes

- Ce candidat, c'est un peu le Berlusconi chilien. Il possède des banques, des parts dans de grosses entreprises. Il détient même 12% des actions de mon club de football, le Colo Colo de Santiago, et pourtant, ce n'est même passon équipe préférée ! Il est supporter de l'Universidad Catolica, le club des quartiers riches de Santiago, de la population aisée, forcément. Tout ça grâce à son argent majoritairement gagnée avec le soutien de la dictature de Pinochet, et, soit disant, à l'aide de ses diplômes des Etats-Unis, même si ceux-ci semblent faux... Mais oui, comme partout, les gens oublient, ils croient les anciens partenaires de Pinochet qui s'exclament "Oh non, on ne savait pas, on ne savait pas". Tiens, tu veux encore des pâtes ?

En rentrant de mes courses, à 19h30, je suis passé saluer mon voisin chilien, juste un bonsoir rapide, afin de lui payer le matelas pneumatique qu'il m'a vendu il y a deux jours. Je l'ai trouvé tenant à la main une énorme boîte remplie de pâtes à la Bolognaise. Je tombe bien, il a été un peu trop généreux dans les proportions de son dîner. Ai-je déjà dîné ? Non. Parfait, je vais l'aider, et ainsi, il n'aura pas à réchauffer des pâtes toutes la semaine.

- Non, les choses ne sont pas encore très nettes au Chili. Pinochet avait fait nommé à vie 21 sénateurs, tous ses amis, très à droite, et ainsi, ils peuvent bloquer les plus grosses réformes. Heureusement, beaucoup sont morts, forcément, les amis des Pinochet, ils ne sont plus tous jeunes. Mais par exemple, il est toujours impossible pour les chiliens de l'étranger de voter depuis un consulat, c'est interdit par la loi. Bien entendu, cette loi a été votée sous Pinochet, pour tous les exilés, qui étaient opposants, qui auraient voté contre lui. Mais, même avec la chute de Pinochet en 1999, les choses n'ont pas pu évoluer, le Sénat bloque toujours la réforme. Si je veux voter en 2009, il me faudra rentrer au Chili. Il y a encore des progrès à faire au Chili, même si nous sommes soit-disant le 38ème pays du Monde. 38ème, qu'est-ce que ça veut dire ? Un fort taux d'alphabétisation, beaucoup de connexions Internet et de télévisions dans les foyers ? Pas étonnant, les compagnies de satellite pratiquent des prix très bas, alors, même avec des salaires bas, les gens sont content, ils ont assez pour manger et rester devant la télévision, s'acheter des cigarettes. Mais pas assez pour boire un verre de vin dans un bar le samedi, ou pour aller au cinéma. Et je ne parle pas des livres !

Il tire un livre de sa bibliothèque, large volume Ferrari en papier classé, dont il feuillette les lourdes pages. Avant d'exhiber le prix allemand, 17 euros.

- Un livre comme ça, au Chili, il coûterait au moins 60 ou 100 euros. Les livres sont taxés à 25%, deux ou trois fois plus que les cigarettes, mais les politiques refusent de changer. Tu ne trouveras pas de roman à moins de 10 ou 15 euros au Chili, mais les salaires ne sont pas les mêmes qu'en Europe non plus ! Donc, partout, dans la rue, tu trouves des versions pirates de livres, des copies sur du mauvais papier, à 2 ou 3 euros, et tout le monde possède de telles versions bon marché dans sa bibliothèque. Pour te dire, quand les gens partent en vacances en Argentine, ils demandent à leurs amis s'ils ont besoin de livres, car ils sont au moins 50% moins chers là-bas, pour des éditions similaires. Si tu va en Argentine avec des vols à bas coût, tu peux rembourser ton billet en achetant des livres là-bas. Des romans, et puis, pour les chercheurs comme nous, des livres scientifiques, des livres de biologie.

Il me montre la biographie des Rolling Stones qu'il est en train de lire, encore ravi de sa découverte : Carla Bruni est sortie un moment avec Mick Jagger, il pourra en parler à ses futurs collègues marseillais.

Machant nos pêches au sirop, nous finissons la soirée par une autre spécialité sud américaine, le football. Le showbol de Maradonna, ce football en salle pour vieilles gloires avec des scores de babyfoot. Les gestes techniques et les prouesses individuelles des joueurs, les commentaires hurlant plus vite que ceux du tiercé, et puis, souvent, les bagarres sans fin entre joueurs. Et, parfaite synthèse de ces caractéristiques spectaculaires, la nouvelle petite perle brésilienne, Kerlon : il s'est fait une spécialité d'éliminer les défenseurs en jonglant avec la tête, ce qui énerve les défenseurs, et lui vaut le surnom de Foquinha. Le petit phoque.

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