2008/10/04

Veste et bronzage dans un RER A nocturne

Nuit du 3 au 4 octobre - 00h45

RER A direction St Germain, entre les stations Gare du Nord et Rueil Malmaison
Wagon de tête

"Gare du Nord"
Deux filles montent dans le wagon et s'assoient dans un espace de quatre places libres. Dos vers l'avant du train, l'une se tient penchée en arrière, les fesses sur le bout de l'assise et les épaules en haut du dossier. Elle bouge la tête et parle et remue le bras, un sac crème se balance à son poignet, de la taille d'un livre avec une hanse dorée.

- Bon, ce soir, je vais vomir.

Elle rie, joues uniformes et oranges et lisses, pommettes lisses sous les yeux cerclés de noir et les paupières sombres. Cheveux jusqu'aux épaules, droits, uniformes. En face d'elle, une fille assise immobile. Cheveux droits et uniformes, les yeux cerclés de noir sur des joues lisses et oranges, plus petite.
Le sac crème oscille.

- Je te le dis, je me vois bien aller en Russie. Dans ces pays comme ça, il y a tout à faire. Il y a de l'argent à faire. Et tu te trouves un milliardaire. Genre Abra-a-movitch. Tu vois ? Il est super riche. Tu sais ? Enfin, c'est pas lui que je vise, il doit avoir quarante, cinquante ans. Mais il a des fils. Alors, comme ça, tu as de l'argent, tu fais ce que tu veux. Je me vois bien ainsi, la Françoise Sagan russe.

"Châtelet - Les Halles"

Trois filles montent, les deux déjà assises se décalent, assises près de la vitre. Une des filles juste arrivées est assise face à l'allée, vêtu de beige avec des épaulettes.
La fille au sac se penche, tête en avant, le torse à l'horizontal.

- Excusez-moi, je peux vous demander où vous avez acheté votre veste. Je la trouve trop belle.
- Merci. Je l'ai acheté aux Halles.
- Merci, merci beaucoup. Elle est vraiment très belle, cette veste.

Elle se redresse, la fille en face d'elle parle.

- Mais tu veux te marier, toi ?
- Oh oui, aucune hésitation. Alors, bien sûr, pas pour rester toute ma vie avec mon mari. Je ne suis pas naïve, je ne suis pas idéaliste. A la minute même où je dirai oui, à la mairie, je me verrai déjà au tribunal, devant le juge, pour le divorce. Mais je veux me marier pour avoir des enfants, je ne veux pas rester toute seule. Je ne veux pas fêter Noël toute seule. Genre tiens, un cadeau et un autre ? Ah bah non, pas d'autre cadeau, il n'y a personne d'autre. Comme ça, j'aurai au moins mes enfants. Enfin, parti comme c'est, je vais me retrouver à me marier avec Thierry Bienot. Au moins, qu'est-ce qu'il est beau.

Elle se tourne vers sa voisine, fille au visage uniforme et rose, au décolleté rond.

- Vous connaissez Thieryr Bienot ? Vous le connaissez peut-être.
- Non
- Il est vraiment moche. Mais bon, à force de traîner avec lui... Il faut dire... Tu as vu comment je bronze, maintenant ? A cause de ce produit. Je bronze carotte. Cet été, j'ai bien bronzé, mais c'était l'horreur. Tu as vu mes chevilles, cet été ? C'était carotte, y'a pas d'autre mot, pof, carotte. Peut-être qu'on pourrait aller au Gala de Dauphine.

"La Défense. Nous vous rappelons que ce train est en direction de St Germain et qu'il desservira toutes les gares".

La fille à la veste beige se lève, ainsi qu'une fille plus grande. Jean, une frange sombre sur sa peau noire. Elle se tourne vers la fille plus petite, celle tournée vers l'avant du train.

- Excusez-moi, je peux vous demander où vous avez trouvé votre veste ?
- Je l'ai trouvé en solde, la semaine dernière, chez Zara, à Madrid.
- Chez Zara ?
- Oui, mais à Madrid, je n'en ai pas vu des comme ça par ici.
- Merci.

Les deux filles debout sortent du wagon. La fille au sac à main dit.

- J'adore le métro. Tu as vu le lien social, les échanges qui se créent.

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