2007/10/20

Hurlons au Parc des Princes pour dynamiser l'avenir

"Non, rien de rien, non, je ne regrette rien"
Et l'ensemble du public du Parc des Princes hue le choix fâcheux de la sono du Stade. Le XV de France vient d'être surclassé par une belle équipe d'Argentine, ces bleus exposant leurs lacunes, leur manque d'imagination, leur maîtrise appliqué d'un jeu arrêté et à contre-temps.
Et ne rien regretter alors ? Huons, huons.
Les hauts-parleurs bafouillent, et, au bout d'une minute, enchaînent sur un chant argentin.

Les supporters aux joues tricolores ne sont pas à la fête, mais pour autant, c'est vrai, il ne faut pas regretter d'avoir assisté à cette finale de bronze à sens unique. Toute une soirée d'expériences et de regard critique pour dessiner quelques conclusions pour l'avenir, au moins dans mes aspirations.

Le XV de France a exposé son sens de la discipline mono-dimensionnelle, son abnégation à ne rien tenter, pourquoi risquer ? Et pourtant, déjà, cette journée de grève des transports mettait le public dans l'obligation d'exploiter sa faculté d'adaptation.
Aucun RER A, pas de bus reliant Rueil-Malmaison à Paris ou même simplement au noeud de La Défense ? Qu'à cela ne tienne, je saute sur la moto de mon chef pour rejoindre le Parc des Princes, zigzaguant avec lui au milieu des voitures de 17h, entre les filles du Bois de Boulogne et les stations services en descente quand l'essence se fait rare dans le réservoir. Et, au retour, aussi, me faufiler entre les lignes de métro réveillées, les derniers bus assurés par bonté d'âme.
Alors, comment réagir quand sept français échouent pour contourner deux argentins, incapables d'accélérer ou même d'oser ?
Que l'équipe de France ait raté son approche tactique, pourquoi pas ? Tout le monde peut se tromper. Elle aura choisi une approche, exploitée jusqu'au bout, et pourquoi pas ? Avoir tenté une approche du rugby moderne, très défensif, uniquement rigoureux et physique. Mauvaise analyse des situations et enjeux, ou analyse incomplète, mais cela peut servir pour progresser.

Cependant, un goût amer apparaît dans la bouche quand un monolithisme du même genre se fait jour dans l'organisation du Parc des Princes. Un joli stade massivement rempli de supporters internationaux, argentins, mais aussi sud africains, australiens, et déguisés, enthousiastes, chantant... Rassemblement mondial pour Coupe du Monde, toute une alléchante fraternité.
Et que nous a servi la sono pour donner de l'entrain à ce rassemblement bigarré ? Piaf, donc, et à la mi-temps, "Emmenez-moi" de Charles Aznavour.

Vive la France moderne, épanouie dans la mondialisation.

Entendons-nous, "Emmenez-moi" est une belle chanson, un classique. Mais là réside tout le problème : c'est avant tout un classique, et rien ne nous sera servi d'autre que du classique bien français. Ne pouvait-on pas présenter un programme plus ambitieux, plus métissé, même en restant français, sans se restreindre aux clichés façon exception culturelle française ?
C'était France - Argentine, un choix évident aurait consisté à sélectionner Manu Chao.
C'était une fête de l'Ovalie, pourquoi avoir toujours confiné les chansons de bandas à moins d'une minute ?
C'était une fête de la jeunesse et du dynamisme, pourquoi ne pas avoir diffusé les Daft Punk, stars mondiales françaises, Noir Désir ou Luke pour leur énergie rock, Grand Corps Malade, Joey Starr, TTC, même un groupe de rock lycéen comme Second Sex ?

Et je me restreins à des exemples eux-mêmes assez consensuels.
Mais cela n'aurait-il pas fait un joli mix, où l'on aurait pu glisser Aznavour avec goût, une belle photo moderne et éloignée d'un arrière-goût de Paris musée ?...

C'est une approche auquel je souhaiterais tendre, et qui me semble applicable pour la musique, pour les futures évolutions de l'équipe de France de rugby, pour la conduite de la recherche scientifique ou la définition de nouvelles utopies politiques.
Digérer les classiques, les fameuses valeurs que l'on proclame pour la grande chanson française ou le french flair légendaire du rugby. Puis les oublier, les mettre de côté, juste les garder très loin, en écho. Car rester ouvert, ouvert, dialoguant, comparant, en prise avec les évolutions récentes. Et de ce dialogue, faire surgir de l'énergie et de la nouveauté. Créer en composite.

Dans une interview, le cinéaste Jim Jarmusch disait : "Nous sommes la première génération capable de proclamer qu'elle aime autant Beethoven que le punk, ne pas faire d'échelle de valeur entre Ozu et Martin Scorsese".

Et hier soir, durant le long trajet RATP du retour, le livre lu m'a paru un joli symbole de cet échange à deux dimensions qui génère une nouveauté. "Les soldats de Salamine" , de JavierCercas, l'histoire d'un journaliste enquêtant dans les années 90 sur un événement de la guerre civile Espagnole. Période forte du passé espagnole, rapport de la société actuelle à cette histoire, et un joli sens du portrait, de la conduite du récit, avec dans la cinquantaine de pages lues, une ou deux magnifiques digressions.

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